May 18, 2006

Nord éclair.fr et la Voix du Nord.fr : la stratégie du payant vouée à l'échec

Le 4 mai dernier, La Voix du Nord et Nord éclair sont passés au format tabloïd pour leur version papier. Dans le même temps, le site internet de La Voix du Nord a fait peau neuve. Et, Nord éclair a lancé le sien. Je suis allé y faire un tour. Premières réactions en vrac :

1- Stratégie - Les deux sites ont choisi de proposer un accès payant à l'information locale. L'info qui fait la valeur du site. Je pense que globalement cette stratégie est vouée à l'échec. À ma connaissance, pas un site au monde d'info locale ne gagne de l'argent en vendant son contenu. Les études montrent que l'audience des sites internet de la presse locale est différente de celle du support papier. Rares sont les lecteurs qui arrêtent de lire le journal papier pour se contenter de la version en ligne. Internet offre à la presse écrite locale une occasion unique de toucher un public qu'elle ne touche pas d'habitude et, ainsi, d'augmenter l'audience de sa marque. Un public plus jeune, par exemple. Mais cette audience, à la recherche d'info locale, ne mettra pas la main au portefeuille. L'info est pour elle une commodité.
La PQR française en s'entêtant avec ce modèle économique du contenu payant est en train de se couper de cette nouvelle audience. Celle du net. Celle qui fera vivre -- ou pas -- sa marque demain.

2- Navigation - Elle disparaît dans la page. Cassée par la pub et les PDF. Pas intuitive. Le problème est pire dans la VN. L'accès aux différentes éditions est compliquée. Beaucoup trop de liens ouvrent une nouvelle fenêtre dans le navigateur.
Une fois dans les articles, on ne sait plus ce qu'il y a sur le site. Il n'a pas été tenu compte du fait que les internautes n'arrivent pas forcément par la page d'accueil. Aussi, chaque page doit être pensée comme une page d'entrée et donner des raisons à l'internaute de poursuivre sa lecture. Au passage, le moteur de recherche n'est pas assez visible.

3- Design et lisibilité - L'ensemble est très difficile à lire et à naviguer. C'est très confus. Les caractères par défaut sont trop petits. L'interlignage est insuffisant. Les rubriques ont une force de corps disproportionnée. Le carré qui les accompagne est un bruit optique. Les colonnes de texte sont souvent trop larges (ex: ici).

4- Interactivité - Hélas ! Les deux sites ont décidé de réduire l'interactivité à des blogs et à des forums. Pas de commentaires possibles sur les articles. Côté blog (VN ici et NE ici), c'est très pauvre tant sur le plan de la forme que du fond. Et la mise à jour n'est même pas quotidienne sur celui de NE.

En résumé, les deux sites de la VN et de NE sont très loins de ce que devrait être un site de presse locale. En construisant un mur payant devant son contenu local -- donc son avantage produit -- les deux sites se coupent d'une nouvelle audience. Une audience tant de lecteurs que d'annonceurs. Une audience dont elle a pourtant grandement besoin. Dommage !

5 comments:

  1. Anonymous1:23 PM

    Je post rarement, mais là je trouve ce billet trop en vrac (tu nous avais pourtant prévenu) et avec une absence de recul, certainement lié à l'empressement (?) Pourtant, venant de la part d'un consultant... c'est inhabituel.

    Concernant la Stratégie, je ne sais pas de quelles études tu parles, mais j'ai bien l'impression que c'est l'Institut Doimouillé qui les produit, parce ce qu'avec les outils dont on dispose aujourd'hui, je me garderais bien d'emprunter un tel raccourci. Pour ce qui est de cécrypter les stratégies des quotidiens, on dirait de l'imagerie d'Epinal, je ne m'attarde donc pas...

    Pour le reste, j'imagine que tous les points que tu soulèves, les personnes qui ont bossé sur le projet se sont posé ces questions et relèvent donc d'un choix justifié. Leur as-tu posé directement la question ? Pour ma part, je partage l'avis de Philou59.

    En tous cas, ce que je retiens de ce billet c'est le pré-audit gratuit bloggé sur médiacafé c'est pas mal du tout comme outil marketing viral ;)

    En résumé, ton experience de lecture de la VDN/NE sent l'enquête à charge et ca fait pas avancer le schmilblick. On dirait presque un coup-bas pour ne pas avoir été retenu dans l'appel d'offre de la refonte de la nouvelle formule, car tu es bien plus enjoué dans certains de tes posts précédents (Au passage, c'est pas 5W qui a fait le concept du site Rugby Hebdo ? Où sont les commentaires d'articles ??? ). Personnellement, je préfère nettement tes pensées positives qui poussent à la réflexion et ce fourmillement d'idées et d'applications intéressantes...

    JFF

    PS : sans dec, j'aime bien m'aérer avec MédiaCafé, mais là c'est pas léger du tout ;)

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  2. À JFF,

    1- Quel est le quotidien local qui gagne son argent en vendant son contenu local ? À ma connaissance, il n'y en pas pour le moment. Mais, bien entendu, je peux me tromper. Si tu as des exemples, je suis preneur.

    2- En revanche, beaucoup de quotidiens locaux qui ont parié sur la gratuité, dès le départ, gagnent de l'argent. Par exemple, les sites des quotidiens américains ont dégagé en 2004 une profit moyen de 68 % sur leurs opérations internet après impôts, amortissements et dépréciations. Seulement 35 des 1500 sont payants. (source Borrell Associates : http://rebuildingmedia.corante.com/archives/2006/03/03/wan_paris_report_newspaper_revenues_online.php#more)

    3- Cette stratégie du gratuit semble aussi être payante en terme d'audience : le nombre de visiteurs uniques a augmenté de 21 % en moyenne en 2005 et le nombre de pages vues de 43 % (source Nielsen/ NAA : http://www.naa.org/nadbase/).

    4- Ils augmentent leur pénétration chez les 25-34 ans (+ 14 %) et chez les 18-24 ans (+ 9%). Une tranche de la population qu'ils ont beaucoup de mal à toucher depuis des années avec le print (source NAA : http://www.naa.org/Global/PressCenter/2006/NEWSPAPER-WEB-SITES-EXPAND-YOUNG-ADULT-AUDIENCE.aspx?lg=naaorg).

    5- Les annonceurs semblent suivre. Les sites des journaux américains ont capté 4 milliards de dollars des 17 milliards dépensés en ligne (+34% en 2005). Pour comparaison : la totalité des chaînes américaines = + de 2 milliards $, magazines = + de 400 millions, radio + de 100 millions (source Borrell Associates), Pure play internet (yahoo, Google…) = presque 9 milliards (source Borrell Associates: http://www.borrellassociates.com/)

    6- En ce qui concerne la cannibalisation du print par le web. Une façon d'analyser le sujet est de regarder la progression des ventes des journaux sur 20 ans. Aux US et en Europe du Nord, où l'info locale est gratuite sur la majorité des sites, on ne note pas de rupture particulière dans l'évolution des ventes depuis l'arrivée du gratuit en ligne. L'un des journaux pour lequels nous avons travaillé aux US a réalisé une étude sur le sujet. Il a trouvé que moins de 5% des lecteurs de son site internet lisent un journal papier payant. Qui plus est, son audience en ligne explose alors que ses ventes restent au même niveau. Le NYT dont la majorité du contenu est gratuit en ligne (à part certains éditorialistes) voit son audience augmenter sur le web et ses ventes print progresser. On est dans le même débat qu'avec la presse gratuite (sur le sujet : http://www.editorsweblog.org/print_newspapers/2005/11/impact_of_free_dailies_on_paid_circulati_1.php).

    7- Rugbyhebdo : le commentaire sur les articles a été préconnisé. Comme bien d'autres choses. Mais le consultant n'est… qu'un consultant. L'éditeur décide. Et, c'est bien normal. Ceci dit, le site tourne autour des blogs de la rédaction. Et cette partie importante est commentable à 100 %. D'ailleurs les lecteurs ne s'en privent pas. Quelques chiffres à venir.

    8- Au passage, je ne vois pas de flux RSS sur les sites VN et NE.

    Et je reviens aux pensées positives bientôt. Merci de me lire.

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  3. Derniers chiffres de la journée :

    - 55 millions d'internautes américains ont visité un site de quotidien US
    - 40% de ces 55 millions d’internautes ne lisent jamais la version papier du journal

    (source : Editor & Publisher -- http://www.editorandpublisher.com/eandp/departments/online/article_display.jsp?vnu_content_id=1001956526

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  4. Anonymous3:12 AM

    T'as pas des chiffres ou des études concernant des journaux français? Histoire de comparer ce qui est comparable...

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  5. Non, je n'ai pas de chiffres français. Mais, la taille de beaucoup de journaux locaux américains est comparable à la taille des régionaux ou départementaux français.

    Info supplémentaire : Borell Associates a constaté que les annonceurs locaux passent sur le net quand le taux de pénétration d'internet dans les foyers atteint les 50 %. D'après les chiffres du Journal du net (http://www.journaldunet.com/cc/01_internautes/inter_nbr_eu.shtml), la France est à : 42%.

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