Jul 21, 2006

Quotidiens nationaux géné écrits et payants : ma réponse à vos commentaires

Comme ma réponse à vos commentaires est un peu longue, je la republie directement en post.
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Benoît, la presse quotidienne régionale n'est pas dans la même situation que la presse généraliste nationale payante. C'est pourquoi, je n'ai pas mélangé les deux. Elle possède un vrai avantage compétitif et, dans bien des cas, un vrai monopole de l'information. Si on s'intéresse à la vie locale, il faut passer, en général, par elle. Yahoo ! ou Google ne sont pas encore sur ce terrain. En tout cas sur le plan de l'info… car ils le sont déjà sur le plan de la pub. Le journalisme citoyen n'a pas beaucoup de chance de concurrencer globalement la presse régionale ou départementale. Quoi que ! Dans la logique de la théorie de "The Long Tail", quelques petits blogs peuvent, peu à peu, grappiller 100 lecteurs ici, 500 ici… et la presse locale n'a pas besoin de cette concurrence. Sans oublier que la notion d'info locale, de proximité, est aussi en train de prendre une autre signification. Le local n'est plus seulement géographique, il est fait de "mes" centres d'intérêts.

Je rejoins Dubuc, pour ce qui est de la presse généraliste nationale et payante. Leur modèle économique montre qu'il ne fonctionne pas. Quand un journal perd 30 millions d'euros par an ou 15, et ça depuis des années, on a clairement un problème économique. D'autant plus que la presse française reçoit toute une série d'aides de l'État directs et indirects. Sans elles, de quel montant seraient les pertes ? Une partie de la presse gratuite -- celle de qualité d'ailleurs, car par exemple 20 minutes est un journal de qualité -- a réussi l'équilibre en moins de cinq ans, voire à gagner de l'argent. Même dans des pays ou, en plus, elle ne reçoit aucune aide de l'État. Le budget de fonctionnement est ou proche ou en dessous des 30 millions.

Prenons le cas Libé, par exemple. Pourquoi Libé ne pourrait pas devenir un journal gratuit ? Au lieu de s'entêter à faire dans le payant et accumuler les pertes d'années en années. Si j'étais l'actionnaire, je vous assure que je ne penserais pas à créer un gratuit avec d'autres. Je me poserais sérieusement la question de faire passer Libé en gratuit. Bien entendu, avec une sérieuse refonte de formule éditoriale à la clé. L'affaire n'est pas simple parce que, quelque part, Libé gratuit existe déjà : c'est 20 minutes. Mais, il y a sans doute de la place pour un autre acteur, surtout avec une marque forte. Ca passe sans aucun doute par une nouvelle réduction des coûts -- mais là, il n'y a de toute façon pas le choix. Et au fond, si 20 minutes fonctionne avec, je crois et de mémoire, un budget autour de 30 millions d'euros, il n'y a pas de raison que Libé (même pas tout en couleur) fonctionne avec un budget qui, à mon avis, doit être presque le double.

Est-ce que Libé prend un risque de passer gratuit ? Sans doute pas plus que de rester payant et de voir ses pertes s'accumuler avec un business model que plus personne n'arrive à faire fonctionner. Alors que le BM du gratuit nous montre quelques succès… et rapides. Et pourquoi pas faire un Libé payant du week-end.

Car Bertrand, si je ne connais pas de groupe de presse qui se soit engagé dans cette stratégie, je pense que, pour la presse nationale généraliste, le modèle : web + quotidien gratuit + édition du week-end payante est un modèle qui peut fonctionner. Ca tant qu'il y aura des annonceurs pour penser que la diffusion de publicité en masse sur des supports papiers à un intérêt.

Car je crois, malgré tout, qu'internet et la prolifération des réseaux sont une menace au modèle de la presse papier gratuite. Les outils qui se mettent en place pour calculer les retours sur investissement dans le monde numérique sont beaucoup plus puissants et fiables que pour le print. Combien de temps les annonceurs vont résister aux sirènes des données précises ? On a sans doute un peu de temps.

2 comments:

  1. Anonymous9:50 AM

    Décidément ce sujet a du succès ! ;o)

    Je partage en grande partie tes arguments Jeff mais qua fais-tu de la remarque de Benoît : "J'achète encore le journal, parce que quand je vais boire mon café, quand je prends le train, quand je me vautre sur mon canapé ou que je prends mon petit déjeuner, je trouve plus pratique, plus agréable de lire sur du papie, pour l'instant."

    Tu sembles accorder une importance moindre à ce confort et à cette "praticité" alors que je suis convaincu que c'est primordial.

    La solution dans quelques temps avec l'epaper format tabloïd et souple ?

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  2. Anonymous4:58 PM

    En tout cas je remarque qu'avec des chiffres le débat gagne en précision, on touche le nerf ...

    je remarque quand même que ta conclusion est un peu contradictoire ou révélatrice. Le gratuit n'est pas une valeur refuge c'est simplement ce que l'on pourrait appeler brutalement un produit "d'entrée de gamme".

    Après avoir longtemps dénigré les gratuits on les surestime je pense. j'apprécie beaucoup 20 minutes dans le metro, je constate chaque matin que désormais les gens se servent volontiers et qu'on ne "distribue" plus vraiment Metro ou 20 minutes. C'est un bon point pour eux. Mais faut-il le rappeler, malgré un talent d'écriture le contenu est quand même bien maigre et tient clairement du zapping, même intelligent. Désolé mais ça ne comble pas la soif d'un lectorat exigeant.

    Pour cette raison et d'autres je ne crois pas au scénario qui consiterait pour un quotidien papier à devenir butalement gratuit. Economiquement cela ne tient pas du moins pas sans se séparer du 3/4 de la rédaction. Conséquence: le résultat final n'aurait qu'on le veuille ou non rien à voir avec le quotidien de départ. Pour cette raison mieux vaut créer un quotidien à partir de rien que d'anéantir la crédibilité d'une marque installée. je crains que ce soit le scénrio de france Soir.

    Alros que reste-t-il comme option?

    Le Web bien sûr mais pas seul, impossible. j'en arrive depuis quelques temps à cette conclusion : l'édition papier est destinée à devenir un produit de luxe. Rien de péjoratif mais au contraire au sens plein du terme: un produit ambitieux qui s'adresse à une population exigeante et rénonce en partie à devenir un produit de consommation de masse. C'est pour ça qu'elle peut justifier d'être payante. Ce sera le lieu de l'analyse longue couplée avec de l'actu brève pour tirer partie justement du confort de lecture tout en conservant l'intérêt utilitaire d'un condensé de l'information. Le quotidien "de référence", tiens on en reparle... ;-)
    Comme je l'ai déjà écrit le web devient alors le lieu de première publication, le centre névralgique du "moteur d'information".

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