Sep 6, 2006

Congrès américain : quand un quotidien s'allie à des citoyens et des associations pour une enquête sur des fonds secrets

D'où sort l'argent des 1,800 "earmarks" qui sont prévus dans la facture des Departments of Labor, Health and Human Services, and Education en 2007 au Congrès américain ? Quels sont les membres des assemblées qui ont attribué ces fonds et à qui ?

Des questions auxquelles des citoyens, des associations politiques, plutôt proches des Républicains (Sunlight Foundation, Citizens Against Government Waste, Porkbusters, Club for Growth, The Heritage Foundation…) et un groupe de quotidiens gratuits, The Examiner, essayent de répondre ensemble.

De quoi s'agit-il ? Les earmarks sont des fonds, que certains qualifient de secrets, qui sont attribués par des membres du Congrès américains à des projets spécifiques sans qu'il y ait débat ou vote (plus d'explications en anglais ici). Un peu comme si un membre de l'Assemblée national ou du Sénat en France pouvait recueillir des fonds et les attribuer à qui ou à quoi il souhaite sans que cela soit présenté aux élus. Le montant de la facture serait de 500 millions de dollars US.

The Examiner a donc décidé de travailler main dans la main avec ces associations et à lancer un appel aux citoyens pour les aider à mener l'enquête. Il l'explique dans un édito du 15 août dernier :
Something new is happening today as The Examiner invites readers to help uncover which members of Congress sponsored the 1,867 secret spending earmarks worth more than $500 million in the Labor-Health and Human Services appropriation bill now before Congress.
These earmarks average more than $268,000 each. To our knowledge, The Examiner is the first-ever daily newspaper to join with readers, citizen activists from across the political spectrum and bloggers in this manner to uncover the facts behind government spending.
[…] Check out the earmarks for your state and then call your congressman and ask if he or she sponsored any of your state’s earmarks. If the answer is yes, ask why the congressman’s name isn’t on the earmark. If you recognize the institution designated to receive the earmarked tax dollars, call them and ask them what they intend to do with your money.
Then email us at info@examiner.com with the subject line “Earmarks” and tell us what you found out. The Examiner will be asking more questions about who got the earmarks and why, so your information could be very important. You will be part of an army of citizen journalists determined to shine some much-needed light on spending decisions made behind closed doors by powerful Members of Congress.

Et la nouveauté est là. Il s'agit d'une enquête collective où des professionnels de l'information et des amateurs travaillent ensemble. Une "expérience de journalisme en réseau" (networked journalism) selon Jay Rosen, journaliste et professeur américain à l'université de New York (NYU), qui a attiré mon attention sur le sujet hier lors d'une conversation. Il en parle abondamment sur son blog (en anglais).

Une base de donnée a été créée par le journal (ici). On peut déjà y voir certaines dépenses État par État. La Sunlight Foundation met à la disposition du public une carte Google : "Show me the money". On peut même télécharger un document Exel (ici) avec les infos qui ont été trouvées à cette date.

Comme l'explique Jay dans son blog, "cette initiative est un moment clé dans l'évolution du web comme outil pour remonter de l'information". Il donne dix raisons (ici). J'en retiendrai deux :
- Cette initiative ne pourrait avoir lieu sans le web
- Elle se fait avec un groupe de journaux gratuits qui ont à leur tête un nouveau venu dans le monde des médias (le milliardaire américain Philip Anschutz).

Elle est, en tout cas, un exemple qui pourrait être repris à plus petite échelle par les quotidiens locaux. Comment est utilisée l'argent du contribuable, qui est en charge d'un problème dans la communauté ? Des idées de rubriques que certains reconnaitront et qui peuvent, grâce au web, avoir des "développements citoyens". C'est cette information locale là que les lecteurs veulent lire. Une information non institutionnelle couverte par un journal au service de la communauté. Une information-conversation qui animera les débats chez les citoyens et entre le journal et ses lecteurs.

(source : Jay Rosen)

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