Oct 31, 2006

Internet pour la PQR : info locale gratuite ou payante ?

Le débat info locale payante versus gratuite est très vif dans la presse quotidienne départementale et régionale française. Il est même devenu assez irrationnel. Beaucoup sont aujourd'hui contre et quelque pour. Mais peu d'arguments clairs sont avancés et, encore moins, de chiffres.

L'inquiétude principale : les gens vont arrêter d'acheter le journal si l'info est gratuite en ligne. Donc, les ventes vont chuter plus vite qu'elles ne le font aujourd'hui. Et les revenus de l'internet ne couvriront pas les pertes du papier.

Que savons-nous ?

1- Le recul du nombre de lecteurs achetants un quotidien local est une tendance de fond en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. Même si quelques très rares exceptions existent, ça et là. Ce recul est, en général, plus vif dans les zones urbaines. Quelle conclusion pouvons-nous essayer d'en tirer ? Le produit n'a pas une valeur suffisante aux yeux des potentiels acheteurs qui justifie un effort d'achat. Pourtant, la consommation média des foyers augmente en temps et en dépenses.

2- Les parts de marché publicitaire détenues par la presse quotidienne et le nombre de pages vendues sont aussi en recul dans ces mêmes zones. Pas seulement d'ailleurs pour la presse quotidienne mais pour la presse écrite en général, hors gratuits et quelques titres magazines. Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Le produit est de moins en moins vu, même si la tendance n'est pas fulgurante, comme un moyen efficace de générer des consommateurs, donc des ventes. Le produit n'est pas accessible à beaucoup d'annonceurs car trop cher. Combien touchez -vous en % d'annonceurs sur le total d annonceurs potentiels dans votre marché ? 10 % ? 20 % ?

3- La pénétration d'internet est en augmentation constante. Plus de 26 millions de Français se sont connectés à internet en août 2006, selon Médiamétrie (source : Journal du Net). Et, l'Arcep compte 13,2 millions d'abonnements au net en France.

4- La pénétration de l'internet à haut débit est fulgurante, en particulier en France. 9,8 millions d'abonnés au haut débit, contre 3,8 en bas débit selon l'Arcep (source : JdN).

5- Les investissement pub sur le net sont en progression constante et forte (+56 % par rapport à 2005 en France). Plus important encore, la part d'internet dans l'ensemble des investissements pub est en croissance de 2,3 % selon TNS Media Intelligence. Aux USA, la progression du chiffre d'affaires pub de la presse quotidienne locale est essentiellement due aux ventes pub du net (source : NAA, équivalent du SPQR).

6- Aux USA, les grands sites internets, type Google, MSN, Yahoo !, etc ont ramassé en 2005 27,8% du marché de la pub locale en ligne.

7- La pub sur le net est facturée au CMP (coût par millier). En France, on parle d'un CPM moyen à 4 euros. Elle est aussi facturée au CPC (coût par clique). Le CPC moyen pour les pubs sur Google est de 0,50 cents. Le CTR (click through) est en moyenne de 0,6%.

8- L'âge moyen d'un internaute, en France, est autour de 40 ans. L'âge moyen d'un lecteur de quotidien papier, toujours en France, est autour de 60 ans. C'est une situation comparable avec les USA, par exemple.

9- Les quelques chiffres dont nous disposons, montrent qu'en gros un peu moins de la moitié des lecteurs des sites de la presse quotidienne en ligne ne lisent jamais le quotidien papier. Aux USA, où nous avons des chiffres, c'est 40% des 55 millions de visiteurs d'un site de PQR qui ne sont jamais en contact avec la version print.

10- La vente de contenu d'info locale en ligne ne rapporte que de très faibles revenus. En France, par exemple, les chiffres qui circulent sont entre 2 000 et 20 000 euros par mois.

11- Les sites avec le payant qui domine ont un trafic de très loin inférieur aux sites où le gratuit domine. El Pais a fait la dure expérience du passage au payant. Il est revenu au gratuit. Et, entre temps, a perdu sa place de leader sur le net au profit d'El Mundo. En France, le site du Parisien a, par exemple, perdu plus de 60 % de son audience depuis qu'il est passé au payant. Il ne génère que de très faibles revenus. Qui plus est, les ventes du Parisien seul ont reculé en 2005.


Questions à se poser si on pense à la locale payante

1- Est-ce que la même information que j'ai de plus en plus de mal à vendre sur le papier, et en particulier au moins de 50 ans (ceux qui sont en ligne), va être vendable sur un site internet ? Le fait qu'elle soit en ligne lui donne-t-elle soudain assez de valeur aux yeux du consommateur pour qu'il mette la main à la bourse ou non ?

2- Si la réponse est non à la première question, parce qu'à audience différente contenu différent, ai-je les moyens humains et financiers de générer un contenu totalement nouveau ?

3- Si je fais payer pour l'info exclusive sur mon site, ici la locale, est-ce que je vais faire assez d'audience avec le reste pour intéresser des annonceurs et donc générer des revenus publicitaires ? Rappelons que le CPM est à 4 euros.

4- Si j'ai une partie gratuite d'info géné nationale et internationale, cela suffira-t-il à créer de l'audience et donc du revenu publicitaire ? Puis-je parier sur de l'info où je n'apporte que peu de plus value pour attirer de l'audience ?

5- Si la réponse est non, quels sont les outils (contenus et services) que je sais faire aujourd'hui qui vont générer du revenu sur le net ? Les PA ? Rappelons que le marché des PA est entrain de s'effondrer pour les journaux aux USA.

6- Existe-t-il des chiffres qui démontrent que la mise en ligne gratuite de l'info locale a fait perdre des lecteurs à un quotidien local ?

7- Quels sont les quotidiens locaux qui font payer ? Quelle est la progression de leur CA ?


Notre réflexion

Internet est, avant tout, un business de volume. Il faut beaucoup de visiteurs et de pages vues pour gagner de l'argent. Et beaucoup plus que dans les médias traditionnels au regard du prix de la pub sur le net et du peu de gens qui sont prêts à payer pour de l'info en ligne. Le gros volume que la presse locale produit, c'est la locale. En mettant cette locale, ainsi que ses archives, derrière un mur payant, elle se prive du contenu qui lui permet de faire la majorité de son volume. Et sans volume, pas de revenus publicitaires intéressants.

Faut-il donc continuer à perdre des lecteurs et des parts de marché publicitaire sur le print et ne pas ou peu générer de revenus pub sur le web car le volume n'est pas au rendez-vous ? Ou faut-il prendre le risque du "tout gratuit" sur le web, et éventuellement de perdre quelques lecteurs, en pariant sur la création d'une importante audience -- grâce d'abord au contenu existant et aux archives du journal ? Augmentation de l'audience se traduisant, en général pour les quotidiens, par augmentation du chiffre d'affaires publicitaire.

À lire sur le même sujet :
- très bon post de Benoît Raphaël ici qui vient ajouter des éléments à la réflexion
- un autre bon post (ici - en anglais) de Alan Mutter qui prévoit que la presse quotidienne américaine aura besoin de générer 25% de ses revenus d'ici à 2016 hors des produits papiers, pour faire fasse à sa perte de trésorerie, à ses dépenses courantes et aux remboursements d'emprunts. Excellente analyse chiffrée. Rappelons que la presse quotidienne américaine a fait en moyenne une marge de 20 % en 2005. Ce n'est pas le cas de la PQR française.

Oct 26, 2006

Mario Asselin à propos de l'école : "Le blog c'est le meilleur moyen de faire apprendre"

(cliquez sur l'image pour voir la vidéo sur le site de Loïc Le Meur)

Mario Asselin est un ancien proviseur canadien. Il blogue depuis plus de dix ans (Mario tout de go) et utilise le blog comme outil d'éducation. Aujourd'hui consultant, il essaye d'évangéliser les enseignants et le milieu éducatif sur les bénéfices de la révolution numérique.

Loïc Le Meur c'est entretenu avec lui. Je vous conseille d'aller voir la vidéo de l'entretien ici. Passionnant, éclairant… et valable, par certains aspects, pour notre secteur d'activité. Mario qui déclare, par exemple, "Les profs n'ont pas l'habitude que la classe soit ouverte […] Ils ont peur de leurs propres imperfections, souvent. Ce sont des gens habitués de prêcher. "

Alors le blog comme outil éducatif ? Vous en dites quoi ?

Jomla récompensé et classé comme l'un des meilleurs outils open source de gestion de contenu en ligne

Nous utilisons le CMS Joomla pour développer bien des sites de nos clients. Il a été classé comme l'une des meilleures applications de gestion de contenu open source par le Guide des logiciels Open Source, publié par Idealx. Trois étoiles pour la richesse et trois étoiles pour l'exploitation. Commentaire : "Interface d'administration très ergonomique".

Il vient aussi de remporté, il y a quelques heures et pour la seconde fois, le prix du Best Linux / Open Source Project au UK Linux and Open Source Awards 2006.

(source : Journal du net)

Oct 25, 2006

Liste d'outils simples pour pratiquer le journalisme en ligne

La Online Journalism Review a publié une liste d'outils basiques (sites et logiciels) pour faire du journalisme en ligne et un peu de développement. La majorité de ses outils sont gratuits ou peu onéreux. En voici la liste :

1- Améliorer la prise de vue et le son : BBC Training & Development Online Courses. Toute une série de cours gratuits, extrêmement bien faits.

2- Comment faire des podcasts (fichiers sons téléchargeables sur le web) par Windows DevCenter. O'Reilly, l'auteur de l'article utilise deux logiciels open-source utilisables sur PC et Mac : Audacity et Lame MP3 Encoder.

3- Créer son blog : Blogger.com (free), WordPress.com (free) et Typepad.com (payant). Vous pouvez trouver un tableau comparatif des outils pour la création de blog ici.

4- Mettre des photos en ligne et ensuite les publier sur votre site et/ou votre blog ou plusieurs blogs en même temps avec Flickr.com. Gratuit avec une limitation (détails ici en anglais) de 20 MB/mois de photos en upload.

5- Mettre des vidéos sur le web et les diffuser : YouTube. Une série d'outils complémentaires ont été développés par la communauté du site (ici en anglais).

6- Créer des flux RSS ("Comprendre le RSS" en français sur le blog de Martin Lessard) avec Del.icio.us. Des explications ici en anglais sur la façon de créer ces flux pour la vidéo, l'image, le son… Il existe là aussi une série d'outils développés par la communauté (ici).

7- Générer un email à partir de votre flux RSS avec FeedBurner et un service d'emails.

8- Créer vos pages internet sans être restreint à un blog avec Google Pages ou un wiki.

9- Outils pour comprendre et faire du HTML et des CSS pour ceux qui veulent se lancer dans le développement :
- W3 Schools, un bon site de référence pour HTML et CSS avec des tutoriaux. Il donne, par exemple, une liste de tags HTML de base ainsi qu'une liste de références CSS.
- iDocs (guide HTML)
- Tableau de compatibilité CSS avec les navigateurs : Quirksmode.
- Générer des CSS : CSS creator.
- Valider vos codes HTML et vos CSS.


(source : Online Journalism Review)

Oct 23, 2006

Le monde.fr en chiffres

L'équipe du quotidien national français Le Monde a annoncé les chiffres de son site internet, ce matin à Paris, lors d'une réunion SPQN :

- 80 000 inscrits à l'édition abonnés dont 40 000 payants : 6 euros par mois x 12 (un mois gratuit pour le premier abonnement) = 2 880 000 euros de CA pour la partie abonnés

- 1,5 million d'euros de "marge opérationnelle en 2006, selon Jeantet

- 1 millions de visiteurs par jour

- 8 000 abonnés/an à la version papier via le site

- Plus fortes connexions du week-end : le sport.

Oct 21, 2006

Les fondamentaux du journalisme ne changent pas

Dominique Bannwarth, commentant un de mes posts, se demande : "Quel métier ferons-nous demain ?" Ce à quoi il répond : "Sûrement le même qu’aujourd’hui si l’on accepte l’idée que le journalisme ne se confond pas avec le support sur lequel il s’exerce." Tout en s'interrogeant : "Alors les journalistes d’hier, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain seront-ils les mêmes, mutants professionnels perpétuels ou faudra-t-il de « nouveaux journalistes » (comme il y eut jadis des « nouveaux philosophes » dont il faudra encore m’expliquer l’intérêt…) ?"

Je crois pronfondément que les fondamentaux du journalisme ne vont pas changer. Je pense d'ailleurs que cette information-conversation, nous pousse à revenir à ces fondamentaux.

1- Ce qui change aujourd'hui, ce sont d'abord les outils pour les journalistes. Il y a de moins en moins de raison de s'en tenir à une spécialité : écrit, audio ou vidéo. La simplification des outils nous permet de, peu à peu, les utiliser tous. La numérisation provoque une sorte de fusion des médias tant des supports que des périodicités.

2- Ce qui change encore, c'est que le lecteur s'exprime. Ce que nous sommes plusieurs à appeler l'info conversation. Le journaliste a beaucoup plus de comptes à rendre. Les erreurs sont pointées du doigt (du clavier). Les oublis aussi. Les partis prix aussi. Pointés… et discutés.

3- La multiplicité des supports entraîne une nouvelle façon de penser l'info. Une combinaison : timing + support. Et non, seulement remplissage d'un support. Des histoires racontées plusieurs fois, de différentes façons, sous différents angles avec différents outils pour plusieurs supports, plusieurs moments de la journée et des publics différents.

4- La presse n'a plus le monopole de publier. Les nouvelles technologies permettent à tout le monde de le faire facilement et pour pas cher. Le blog en est l'un des exemples. Le journaliste est toujours là pour la collecte de l'information. Mais, il débute la conversation, générant une masse incalculable de commentaires et de nouvelles infos. Reste à trier tout ça. C'est le rôle du journaliste. Cela a d'ailleurs toujours été le sien. Il est plus nécessaire que jamais.

La fonction journaliste-trieur d'info va sans doute avoir de plus en plus de place… et de raison d'être. Une fonction nécessaire mal ou pas encore perçue par les médias ou les journalistes eux-mêmes. Sans doute aussi parce qu'elle semble moins noble que, par exemple, celle de reporter ou de chroniqueur.
Je crois par exemple, que certains secrétaires de rédaction vont évoluer naturellement vers ce job de trieur mais aussi de "metteur en liens" (ajouter des liens contextuels sur des textes, des images, des vidéos et des fichiers sons, en ligne).

Vous en dites quoi ?

Oct 19, 2006

Pays-Bas : un quotidien payant arrive à toucher les moins de 35 ans


NRC Next est un quotidien payant du matin : 1 euro. Il a été lancé aux Pays-Bas, il y a environ six mois. Sa cible : les moins de 35 ans avec une éducation supérieure. Bonne nouvelle pour la presse écrite payante, il semble que ça fonctionne. Le journal a non seulement atteint mais dépassé ses objectifs de 40 000 lecteurs. Diffusion actuelle : 70 000.

Le concept du quotidien : un magazine quotidien. Un journal qui explique, qui contextualise les infos, partant du principe que les gens ont déjà l'info essentielle. "A creative daily newsmagazine, which assumes that readers have already picked up the routine news from other channels. Little space was reserved for what, where and when, but more attention for how and why", raconte Jan Prins, dans editorsweblog.

Ca vous rappelle quelque chose ? C'est le concept auquel nous croyons pour Libération : le quotidien magazine. Un concept que, d'ailleurs, une partie de la rédaction défend… et auquel ne croit pas Edwy Plenel. Il a déclaré, le vendredi 13 octobre, à l'équipe Libé lors de la présentation de son plan pour le journal : "Quant au papier, quelle est sa plus-value ? La réponse apportée par la plupart d'entre nous a été : nous sommes pris par un monde immédiat où le web manifeste cet immédiat. Du coup, le papier doit faire du magazine, de la distance, dans un paysage déjà encombré -c'est le pays du magazine- et de l'analyse et du débat. Cela amène à des formules qui à mon avis qui régressent par rapport aux vrais enjeux d'un quotidien. Un quotidien, on l'achète par rapport à l'actu, on ne l'achète pas pour sa deuxième partie magazine. Cela vient en plus. On l'achète s'il est réactif par rapport à l'actu, s'il est dans l'actualité, s'il donne une grille de lecture, s'il a une pertinence, de l'originalité par rapport à cette actualité."

Si j'ai le temps, j'essayerai de revenir sur les idées d'Edwy Plenel pour Libé dans un autre post, mais il est clair que je ne le rejoins pas complétement sur "l'actu" comme plus-value d'un quotidien national papier payant. Certe, le journal peut créer sa propre actu, mais pas à toutes les pages. Le besoin d'explications, de contextualisation est fort. Comprendre l'actu au quotidien, aller plus loin que les faits, mettre en perspective, décrypter… c'est une grosse demande des lecteurs. C'est aussi un positionnement, un concept clair et original qui peut faire la différence.

Et c'est apparemment le secret du début de la réussite de NRC Next. La stratégie internet n'a pas été oubliée. Le quotidien a son site web : www.nrc.nl/next. La participation des lecteurs y est encouragée. Ils peuvent envoyer des infos et commenter.

Plus impressionnant, s'ils désirent des infos supplémentaires sur un sujet qu'ils ont lu dans le journal, les lecteurs peuvent commander, grâce à un code et par SMS, un complément d'information. Ils reçoivent alors le matériel électronique disponible sur une page d'accueil spéciale personnalisée à leur intention. Au passage, on peut également s'abonner au journal, à l'aide de son téléphone portable.

Autre leçon de ce concept, NRC Next est publié par le même éditeur que NRC Handelsblat. Éditeur qui a préféré créer un autre journal que d'essayer de rajeunir l'existant. À chacun sa cible.

(source : editorsweblog)

Quotidiens US : la diffusion continue à baisser

Toujours pas de bonne nouvelle à l'horizon pour les quotidiens américains. Les derniers chiffres de l'Audit Bureau of Circulation seraient mauvais. La diffusion de la semaine baisserait de 2,5%, pour les six derniers mois et d'environ 3% pour les éditions dominicales.

En savoir plus : Editor & Publisher.

Oct 18, 2006

Un reporter de Reuters va couvrir le monde virtuel de Second Life à plein temps

(capture de Michel Leblanc)

Alors que je sors de mon repas de bloggers à Montréal où nos amis m'ont beaucoup parlé de Second Life, je découvre que l'agence de presse britannique Reuters a décidé de s'installer dans ce monde virtuel. Un de ses journalistes, Adam Pasick, va couvrir à plein temps cet univers en 3D. "Second Life is a really hot economy," déclare Pasick à Business Week. "It was a natural for Reuters."

Qu'est-ce que l'univers Seconde Life ? Pour faire simple et rapide, c'est un jeu qui met en scène un monde virtuel où chacun peut s'inventer une deuxième vie, changer de peau. L'univers est en 3D (voir clip promo ici). Il a été créé en 2003. Il compte 800 000 à 1 million habitants (selon les sources) qui "décident de son développement, de son évolution. Un monde régi par ses propres règles, son économie, sa vie culturelle et sociale", nous explique Dominic Arpin du Journal de Montréal, dans une excellente chronique qui décrit parfaitement cet univers. "Chaque mois, sa population augmente de 20 %, son territoire virtuel s'agrandit, de nouveaux commerces sont créés. Exactement comme s'il s'agissait d'une nouvelle colonie numérique." Business week dit lui 38 % d'augmentation par mois.

Mais, Reuters n'est pas le seul média à s'intéresser à Second Life. Le CNET y a, par exemple, déjà ouvert son espace virtuel. Le célèbre magazine Wired devrait lancer son bureau le 21 octobre, nous apprend Michel Blanc sur son blog. Un blog qui consacre plusieurs articles au sujet (liste ici) qui m'ont permi d'écrire ce billet. Et ce monde en 3D possède déjà deux journaux/blogs en ligne : New World Notes et SL Herald.

J'apprend donc qu'un concert virtuel de U2 y a été organisé par les fans du groupe (clips ici et ici sur Youtube). Que la chaîne d'hôtel Starwood y a mis en ligne son hôtel virtuel virtualaloft. Que des grandes marques comme Adidas, Reebook, Amazon, Toyota, Sun Microsystems, American Apparel, IBM, ont déjà leur "avatar" sur le site. 3100 entreprises y seraient présentes écrit Michel.

Un premier homme politique américain, Mark Warner, y a même fait son premier speech de campagne, pour la présidentielle américaine (en savoir plus ici, en anglais). La principale ligue de baseball américaine a déjà joué ses premiers matchs virtuels. "La célèbre institution financière Wells Fargo, a mise en ligne la première activité d’éducation financière dans Second Life", nous dévoile toujour Michel. Et, "La célèbre Harvard Law School, offre maintenant le cours Law in the court of public opinion […] le professeur Charles Nesson développe ce cours, pour les étudiants réguliers de son programme, pour les étudiants externes et pour tous les internautes qui peuvent avoir envie d’y assister" (clip promo ici).

Michel pense que Second Life "c'est le web 3.0" (ici). Il a été interrogé sur le sujet par Benoît Livernoche de Radio-Canada (écouter, ici).

Si vous êtes sur Second Life, dites-nous ce que vous en pensez. Je m'en vais de ce pas m'y inscrire. C'est, semble-t-il, gratuit pour trois mois. Histoire de me faire une idée de ce jeu et de mieux en comprendre le fonctionnement et les opportunités éventuelles pour les médias. On ne sait jamais, nous y lancerons peut-être un vrai journal d'info, seulement accessible à la communauté de Second Life. Un journal avec des infos et des espaces de pub -- eux -- pas virtuels, comme le propose Michel.

(sources : Michel Leblanc, Business Week)

Site de "journalisme" citoyen : le mode d'emploi du Harstville Messenger

Benoît Raphaël nous signale que le Harstville Messenger, un petit bi-hebdo américain, a mise en ligne son guide (en anglais) du site de "journalisme" citoyen (télécharger ici). Un document de 75 pages fort intéressant qui a été mis au point à l'occasion de la création du site participatif Harstville Today et qui détaille aussi l'aspect financier des choses. À lire absolument… à lire aussi le post de Benoît.

Oct 17, 2006

Soirée de bloggers à Montréal

De passage à Montréal, pour notre client le Journal de Montréal, j'ai passé une excellente et sympathique soirée, lundi soir, avec quatre bloggers locaux passionnés du net et passionnants : Éric Baillargeon, Martin Lessard, Philippe Martin et Michel Leblanc. On a fait ça devant un excellent couscous, Au coin Berbère, un restau tenu par un sympathique algérien. Cinq ans que je n'avais pas mangé un couscous !

Merci à Éric pour avoir organisé cette soirée pleine d'énergie. Et dire, comme le fait remarquer Michel dans son post sur la soirée, qu'on croyait que le web allait isoler les gens… Grâce au réseau, on fait, au contraire, des rencontres étonnantes… et des bonnes. On remet ça dans trois semaines ?

Oct 13, 2006

Presse écrite : préparer la transition avant qu'il ne soit trop tard

(cliquez pour agrandir)

Pour le professeur Robert G. Picard, sans doute l'un des plus grands spécialistes de l'économie des médias dans le monde et directeur du Media Management and Transformation Centre en Suède (Jönköping International Business School), la question du déclin de la presse papier ne se pose pas. Ce qui se pose, c'est la question du timing.

Le graphique ci-dessus -- qu'il a créé -- explique sa vision des choses et essaye de démontrer la nécessité pour les éditeurs d'investir dans les nouveaux médias au plus vite.

1- Un support papier dont le lent déclin ne s'arrêtera pas
1a- Les revenus de la presse papier sont en baisse. La tendance n'est pas nouvelle. Elle est entrain d'accélérer en même temps que les nouvelles technologies sont adoptées par les consommateurs. Une adoption progressive, pas soudaine.

1b- Baisse des ventes = baisse du nombre de journaux imprimés et diffusés = baisse des coûts du support papier.

1c- Mais, une partie des coûts du support papier est incompressible et graduellement à la hausse. La tendance à la baisse ne s'arrêtant pas, les coûts dépasseront les recettes à un moment X.

2- La convergence ne fonctionnerait qu'à court ou moyen terme
2a- Économies d'échelles et stratégie multiplateforme pour le contenu (convergence) permettent dans un premier temps de mieux résister à la baisse des revenus du papier.

2b- Mais la baisse des revenus et les coûts de la production du papier plombent le coût des opérations combinées. Arrive, là aussi, le moment où le print n'est plus rentable. Les quotidiens nationaux et les gros régionaux seraient plus rapidement exposés que les petits régionaux et les départementaux, selon les recherches de Picard.

3- Il faut démarrer tôt l'investissement dans les nouveaux médias
3a- C'est la barre verte qui nous intéresse le plus. Elle indique que plus une organisation démarre tôt dans l'expérimentation de nouveaux produits et de nouveaux services, plus vite elle a de chance de voir les premiers revenus pour ces nouveaux médias.

3b- Parce que le marché télé est physiquement limité, malgré le câble, et parce que la baisse de la diffusion de la presse écrite, la publicité va migrer de plus en plus vite sur les nouveaux supports. Les chiffres en attestent. Les dépenses de publicité augmentent. La TV conserve ses parts de marché, celles de la presse écrite et de la radio diminuent. Où va la pub ? Sur les nouveaux médias.

Mais Robert Picard est clair. Il est important de ne pas "tuer" le journal papier trop tôt. Il est là. Bien là. Et, il est pour le moment le générateur des plus gros revenus. Il va résister encore un certain temps. Un temps qui va varier selon les titres et les situations géographiques. Il est donc très important de concentrer des forces pour ralentir au maximum son déclin .

Mais ralentir le déclin n'est pas une stratégie viable à moyen terme. Pas plus que la réduction des coûts et la convergence de opérations pour diffuser le contenu sur plusieurs supports. "The current strategies of publishing companies to gain economies of scale and scope, to move into cross-platform content provision, and to maximize return across a portfolio of content products will be effective only for the short-and mid-term", affirme-t-il.

Les éditeurs doivent donc investir au plus vite sur les nouveaux médias. Expérimenter, essayer. À fin de mettre au point les nouveaux produits et services qui vont attirer la publicité, en croissance constante sur ces médias. Et pour Picard, le temps est compté car il arrive un moment où il est trop tard. Il suffit de déplacer le départ de la courbe verte dans le temps sur le graphique pour s'en rendre compte.

Il est clair qu'à vouloir attendre la recette miracle ou l'investissement parfait, beaucoup d'éditeurs se rapprochent du point de non retour. Libé en est, mille fois hélas, un exemple concret.

C'est au fond la grande leçon de l'achat de YouTube par Google. Comme le soulignent plusieurs observateurs (lire post de Benoît Raphaël ici), Google n'a pas racheté le New York Times. Il n'a pas racheté un business model qui fonctionne encore pour le moment. Il a payé le prix fort une entreprise qui ne gagne pas un centime mais dont l'audience est énorme, sur un secteur en explosion -- la video -- et dont le contenu n'est pas cher à produire. Google a choisi d'expérimenter… et c'est là sa force.

Oct 12, 2006

Visite à Montréal

Je serai à Montréal ce dimanche, puis lundi et une partie de mardi. Si vous voulez que l'on se rencontre n'hésitez pas à me faire parvenir un email : jfm[at]mignon-media.com.

Oct 11, 2006

France : réduction de la TVA à 2,1% pour la presse en ligne

Bonne nouvelle pour les médias français. Selon un dépêche AFP, "la commission des Finances de l'Assemblée nationale a adopté mercredi soir un amendement au projet de budget 2007, permettant de réduire à 2,1% le taux de TVA pour la presse en ligne, contre 19,6% actuellement."

(source : AFP)

Fayard : Une pub sur le net qui ne mène pas au livre dont elle fait la promo

(écran 1 - cliquer pour agrandir)

Je clique rarement sur les bannières affichées sur les sites. Mais, il y a deux jours, la pub de Fayard sur le site du Monde a attiré mon attention : Qui ramasse le Jackpot de la Toile ? Médiabusiness le nouvel eldorado. Je me dis, tiens, je vais l'acheter.

(écran 2 - cliquer pour agrandir)

Je clique donc sur la dit bannière (écran 1). Et, là… je tombe sur une animation Flash (écran 2) du logo de Fayard. Bon ! Je m'impatiente un peu. Mais, déterminé à acheter ce livre, je clique au hasard sur le logo (rien ne m'indiquant où cliquer)… et là, au surprise, toujours pas le livre en question (écran 3). On y voit sept couvertures. Pas une ne correspond au livre dont la pub fait la promotion.

(écran 3 - cliquer pour agrandir)

Acharné, je me tape la lecture des petits textes illisibles, car sur une justif impensable pour une lecture à l'écran, de la troisième page. Et bien, vous ne le croirez pas ! Toujours pas un mot sur notre livre. No comment !

Oct 9, 2006

Pour la première fois, les Européens passent plus de temps sur le web qu'à lire les journaux et les magazines

Les internautes européens passent quatre heures en moyenne par semaine sur le web. C'est deux fois plus qu'il y a deux ans, nous révèle un étude du Jupiter Research. Pour la première fois, internet devance la presse écrite qui reste stable avec trois heures par semaine. Les Européens de moins de 25 ans passent en moyenne six heures sur le net pour deux heures à lire la presse papier.

Le temps consacré à la télévision augmente aussi : de 10 à 12 heures par semaine. À noter que le temps passé sur le net participe de l'augmentation de la consommation globale de média. Vous avez dit cannibalisation ?

La consommation hebdomadaire des abonnés à l'internet rapide (DSL/câble) est de sept heures. À la vitesse où progresse ces deux technologies en Europe, on peut assumer que le temps passer sur le net va très rapidement rattraper celui des US où il est de quatorze heures par semaine, toujours selon Jupiter Research. En France par exemple, où 79% des foyers sur le net ont une connection haut débit, la moyenne hebdomadaire est de cinq heures. Elle est de trois heures en Allemagne, où la pénétration de l'internet rapide n'est que de 42%.

Il est clair qu'il devient plus qu'urgent pour les entreprises de presse écrite de revoir leur stratégie de distribution de contenu. Le papier n'est pas mort et reste, pour le moment, la première source de revenu. Mais le signale envoyé par les consommateurs ne peut pas être ignoré plus longtemps. D'autant plus qu'il y a de moins en moins de raison que les cartes publicitaires ne se redistribuent pas très vite. Internet est mûr. Les consommateurs sont là. Et, les outils de mesure des retours sur investissements y sont les plus performants.

L'étude a été réalisée sur plus de 5 000 personnes en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne. La moyenne de la consommation du web est donc sans doute plus importante si l'on prend en considération les pays Scandinaves.

Google achète YouTube pour 1,65 milliards de dollars en actions

On savait que la négociation était en cours depuis plusieurs semaines. L'affaire a donc été signée ce 9 octobre. Le géant Google a annoncé qu'il rachetait YouTube pour $US 1,65 milliards en actions. YouTube restera, pour le moment, une organisation indépendante, d'après le communiqué de presse de Google.

YouTube est la plus grosse communauté vidéo en ligne. Le site sert 100 millions de vidéos par jour.

"The YouTube team has built an exciting and powerful media platform that complements Google's mission to organize the world's information and make it universally accessible and useful," a expliqué Eric Schmidt, P-DG de Google. "Our companies share similar values; we both always put our users first and are committed to innovating to improve their experience. Together, we are natural partners to offer a compelling media entertainment service to users, content owners and advertisers."

Oct 5, 2006

France : 3,1 d'internautes créateurs de contenu sur le web

Selon une étude de Médiamétrie, publiée ce jeudi soir, 3,1 d'internautes en France sont considérés comme des créateurs de contenu. Ils sont ceux qui s'investissent le plus sur le net.

L'étude considère trois catégories :
- les simples visiteurs
- les contributeurs
- les créateurs

Le créateur "participe au développement de la deuxième génération d'internet", comprenez, le web 2.0, explique la dépêche AFP.

Le chiffre des contributeurs est impressionnant : 14,8 millions de Français. Les contributeurs donnent leurs avis sur des produits, testent des logiciels, signent des pétitions en ligne, contribuent à un wiki…

Attention ! ces chiffres sont des projections (l'enquête a été réalisée sur 4000 personnes). Mais, ceci dit, ils nous donnent une idée de l'ampleur du phénomène. Internet n'est pas qu'un outil de "publication électronique". C'est un outil de conversastion.

La presse, en bloquant la conversation sur ses sites et, pour certains, en limitant l'accès à son contenu, redirige ses potentiels consommateurs vers d'autres sites où la conversation est possible. Le journalisme citoyen n'est sans doute pas pour demain… mais la conversation est, elle, déjà en route.


(source : AFP)

Belgique : le quotidien De Tijd se lance dans la vidéo sur le web

Le quotidien belge de langue flamande, De Tijd, a lancé une série d'émissions vidéo sur son site. Pour l'instant, il s'agit d'information financière (ici). Selon L'Écho, journal en langue française du même groupe (Mediafin),"TIJD.tv diffuse chaque matin, à midi et le soir un résumé de l'activité des marchés contenant les principaux indices et les fluctuations des cours du moment". L'Écho qui devrait, lui aussi, proposer très prochainement de la vidéo sur son site.

(source : L'Écho, via exxodus)


US : Le nombre de visiteurs uniques des sites internet de la presse quotidienne augmente de 31 %

L'audience des sites de la presse quotidienne locale américaine est en pleine augmentation, selon la Newspaper Audience Database (source : Newspaper Association of America). Le nombre de visiteurs uniques aurait fait un bon de 31% lors des six premiers mois de 2006.

Ce rapport de la NAD indique une moyenne de 55,5 millions de visiteurs uniques pour l'ensemble des sites des quotidiens locaux, pour les deux premiers trimestres de cette année. Ils n'étaient que 42,4 millions sur cette même période en 2005. Le nombre moyen de pages vues serait de 2,6 milliards par mois. Pour info, il y a un peu moins de 1 500 quotidiens aux US.

Le New York Times reste le leader de cette presse (12 millions de VU/m, 298 millions de PV/m) devant USA Today (8,6 millions de VU/m, 129 millions de PV/m).

Les jeunes semblent fréquenter de plus en plus les sites des journaux. 40% de l'audience est en-dessous de 35 ans. La pénétration chez les 18-24 ans a augmenté de 16% et de 19% chez les 25-34 ans .

Oct 4, 2006

Presse écrite et ailleurs : essayer de comprendre pourquoi il est si difficile de prendre le virage de l'innovation

Pourquoi les cadres de la presse traditionnelle ont-ils autant de mal à innover sur le net ? La question revient souvent lors de discussions ou dans les commentaires sur différents blogs. Problème de compétences ? Non, bien au contraire. Problème d'intelligence ? La presse est remplie de gens brillants. Alors quoi ?

Le livre Small is the New Big de Seth Godin (son blog ici) et plusieurs extraits des écrits de Clayton Christensen, professeur à Harvard Business School, nous aide à nous faire une idée plus précise.

Pour Christensen, il existe une constante dans toutes les industries quand une innovation révolutionnaire change les régles du jeu. Et cette constante est : très souvent les grandes entreprises ratent le coche du changement. C'est ce que j'appelle le syndrome Kodak.

Internet n'est pas seulement un nouvel outil pour publier du contenu. Comme malheureusement, et pour l'instant, trop de cadres et de dirigeants de presse le pensent. Internet est une révolution. C'est une innovation qui change les régles du jeu pour toujours. Christensen parle, dans ce cas, d'innovation disruptive.

Et c'est parce qu'elle est disruptive, qu'elle est si difficile à appréhender par des équipes compétentes. Car, la compétence est un obstacle dans ces situations d'extrême changement, insiste Godin. Pas l'incompétence. Qui souhaite passer de l'état de "je sais" à celui de "je ne sais pas", continue-t-il. Personne ne veut se retrouver dans une position d'incompétence. C'est pour cette raison qu'il est si difficile d'introduire des changements dans une organisation. Le changement, c'est l'inconnu. Et l'inconnu c'est le risque d'échouer.

Christensen soutient la même thèse. Les cadres sont les victimes des réflexes et des habitudes qui ont contribué à leur succès. "On ne change pas un cheval qui gagne", dit-on. En conséquence, les ressources nécessaires à la recherche ne sont pas allouées. Par exemple, quel quotidien possède un département "Recherches et développement" ?

Et, quand l'entreprise se réveille, elle essaye souvent d'utiliser ses ressources pour satisfaire des schémas qui confirment son business modèle. C'est ce que fait par exemple la PQR en France, en essayant de vendre son contenu en ligne. Elle réplique ce qu'elle sait faire, au lieu d'essayer de développer de nouveaux business modèles. C'est ce que Christensen appelle le cramming ou "essayer de faire l'ancien produit avec la nouvelle technologie".

Aussi, Christensen va plus loin. Il essaye de comprendre les étapes qui font qu'une industrie se retrouve en situation de réactivité, et non de leader, face à une innovation disruptive. Voilà en gros ce qu'il en dit, comme le rapporte le document Blue print for Transformation de l'American Press Institute. J'y ai ajouté des commentaires.

1- Innover coûte de l'argent en recherches. Pourquoi faire des recherches quand tout va bien? Pourquoi investir dans des expériences aux issues incertaines ?

2- Dans un premier temps, une innovation disruptive ne touche pas les consommateurs habituels d'un produit ou service. Elle touche soit les "early adopters", les déçus… mais aussi ceux qui n'avaient pas les moyens de se payer le produit classique. Le manager, habitué à améliorer son produit pour satisfaire son cœur de cible, n'a pas de raison de faire attention au produit disruptif. Il n'est pas pour l'instant en situation de concurrence. Internet, par exemple, n'a pas d'abord touché les consommateurs typiques de la presse.

3- Qui plus est, et en général, le produit ou service disruptif est d'une qualité moindre (un des arguments souvent employés contre internet). Mais pire, il fonctionne avec un business modèle différent et propose des marges plus faibles. L'innovation fait plus souvent baisser les prix qu'elle ne les fait monter. C'est exactement ce qu'il se passe avec internet pour la presse. L'info pure sur le net rapporte beaucoup moins d'argent que sur le papier… et ailleurs.

4- Les cadres des produits disruptifs sont soumis aux mêmes pressions que les autres. Ils doivent améliorer le produit. Et comme les autres, ils le font. Résultat, les consommateurs du produit classique commencent à s'intéresser au nouveau produit. C'est le début de la canibalisation.

Il est alors souvent difficile, pour le produit classique, de faire face. Il n'est plus assez compétitif. Encore plus qu'internet, la situation de la presse quotidienne nationale payante face à la presse gratuite illustre parfaitement cette analyse de Christensen.

La question est donc de savoir à quelle étape sommes-nous pour la presse écrite ? La 2, la 3 ou la 4 ? J'aurais tendance à penser : la 3. Et vous ?

(sources : Small is the New Big, Innovator Dilemna, Seeing what's Next, Innovator's Solution, Blue Print for Transformation)

Oct 3, 2006

Faut-il réunir les rédactions du print et du net ?

La question de la fusion des rédactions presse écrite (ou télé ou radio) et internet se pose de plus en plus souvent. Deux écoles s'opposent. L'une préfère la séparation des tâches. L'autre propose une intégration immédiate. Retour sur les arguments des uns et des autres. Et propositions pour avancer.

1- Des unités business séparées
La première "école" considère que la majorité des équipes des entreprises médias, dites traditionnelles, ne sont pas encore prêtes pour le net. Elle pense que les résistances sont trop fortes. Que les journalistes écrits ne sont pas encore capables de produire un podcast, une vidéo ou une animation Flash. Et, que ces résistances empêcheraient le bon développement des activités internets, nuiraient aux besoins d'imagination et de créativité nécessaire sur le web. C'est le cas, par exemple, du Washington Post.

La solution est alors de séparer le net du print et d'en faire deux unités business, avec deux rédactions différentes et des équipes marketing et pub autonomes ou semi-autonomes… même si des ponts existent entre le print et le web.

2- La fusion des rédactions
La deuxième école considère que la séparation n'a pas de sens. Qu'il faut en finir avec l'idée d'une rédaction lier à un "véhicule" (le papier ou le net). Qu'il est ridicule de multiplier les forces par deux (par exemple, un journaliste qui couvre les faits divers pour le papier, un autre qui les couvre pour le net). Que le seul moyen de stopper la culture mono-média et de faire rentrer la rédaction dans celle du multimédia, c'est de n'avoir qu'une seule équipe qui produit pour les deux.

C'est le choix qu'à fait, par exemple, la World Co au Kansas. Elle produit un quotidien papier, une quinzaine de sites web et une chaîne de télévision. Les journalistes ne sont pas attachés à un véhicule. Il travaille pour les trois. Le résultat est impressionnant. C'est aussi le choix que vient de faire le New York Times, le Daily Telegraph… et bien d'autres avec eux.

3- Qui a raison ?
J'ai envie de dire : les deux mon colonel ! La fusion des rédactions en une seule unité est inévitable. Les équipes des entreprises média, pas seulement les rédactions, je parle aussi du marketing et de la pub, doivent se préparer à travailler sur des supports multiples. L'attachement à un "véhicule" n'a plus de sens. Les enteprises ne survivront qu'à la condition d'avoir une offre produits et services variée, satisfaisant les besoins de plus en plus fragmentés de leurs communautés, de leurs audiences.

Ces entreprises devront se composer de journalistes maîtrisant toutes les formes de restitution de l'information, pour toutes les plateformes. Idem, pour les équipes pub et marketing. Dans cette perspective d'organisation, les accords sur les droits d'auteurs -- basés sur la notion de production pour un "véhicule" -- n'ont plus aucun sens et sont donc à revoir.

Ceci dit, aujourd'hui les équipes ne sont, dans la très grande majorité des cas, pas prêtes à plonger dans l'univers du multimédia. Pas facile de changer des années et des années d'habitudes de travail… qui jusque là permettaient de réaliser le "miracle du quotidien papier". Pas facile de rentrer dans un univers inconnu où l'on passe de l'état de compétent à celui d'incompétent. La nouveauté, c'est aussi faire face à quelque chose qu'on ne connaît pas. C'est une inquiétude à ne pas sous-estimer.

Il paraît donc judicieux, dans une première étape, de séparer les équipes. Séparer les équipes ne veut pas dire les séparer physiquement. Elles peuvent être sur un même plateau. C'est ce que nous recommandons, histoire que la "contamination du web" se fasse en douceur. Séparer les équipes veut dire : créer des unités business différentes. Et mettre à la tête des équipes du web, des gens du web, des personnes qui comprennent internet, qui pensent internet. Des personnes qui sont capables d'imaginer l'info en plusieurs dimensions : texte, image, son, vidéo, animation. La culture papier ne suffit pas pour réaliser un bon site web.

Quand on regarde les résultats sur le net des entreprises de presse, on constate que le net c'est beaucoup mieux développer là où les équipes étaient des entités séparées et là, où elles avaient été confiées à des pionners du web. Quand les équipes du net sont restées sous le contrôle de la rédaction papier, les résultats ont été, en général (il y a des exceptions) entre faibles et inexistants. Quoi de plus normal d'ailleurs. Difficile de demander à un manager de produire un modèle différent de celui qu'il a l'habitude de produire avec succès. Aujourd'hui, nous recommandons de confier le net à ceux qui le comprennent.

4- Une intégration inévitable
Ceci dit, cette séparation n'est que stratégique. Elle doit se faire dans la perspective d'une fusion à moyen, voire à court terme. Cette fusion est inévitable. Elle a un sens économique. Mais elle a aussi un sens journalistique. Il faut donc préparer les équipes à cette fusion.

Plusieurs étapes pour cette préparation :
- Expliquer le phénomène internet aux équipes. Que se passe-t-il exactement ? Qui fait quoi ? En quoi internet change-t-il les habitudes en terme d'information pour les lecteurs ? En quoi internet va-t-il changer les habitudes de travail ? etc. Ce travail d'explication, indispensable à la mise en route d'une mutation, est très, TROP, souvent négligé. Pourtant, sans lui, il sera très difficile, voir impossible de faire changer les équipes. Qui veut progresser dans le noir ?

- Faire entrer la notion du lecteur/consommateur et de l'audience dans les rédactions. Un autre point largement négligé. Qui sont ces lecteurs ? Que veulent-ils ? À quoi ressemblent-ils ? Pourquoi devraient-ils acheter le journal ou se connecter sur le net pour nous lire ? Qu'attendent-ils des journalistes ? Comment les voient-ils, les considèrent-ils ? La rédaction doit baigner dans la culture du lecteur. Elle doit sortir de ses certitudes : "on sait ce que veut le lecteur". Elle doit comprendre qu'elle a un consommateur à satisfaire. Qu'elle est responsable, comme la pub et le marketing, des résultats financiers de l'entreprise. Deux journalistes dans un focus groupe, une fois tous les cinq ans, ça ne suffit pas. Il faut mettre en place des outils d'évaluation du contenu et des outils pour mesurer la satisfaction des consommateurs (lecteurs et annonceurs).

- Former les équipes à internet et au multimédia. Le manque de connaissance du net est souvent sous estimé dans les médias… par ceux qui le connaissent. Il faut mettre en place des formations pour apprendre à naviguer sur le net. Trouver des sources d'informations. Mais aussi apprendre les nouveaux outils pour livrer l'info : comment écrit-on un blog ? Comment anime-t-on un forum ? Comment fait-on une vidéo, un podcast…

- Permettre aux journalistes, qui se sentent prêts, d'expérimenter sur le net. Pour ce faire, il est indispensable de créer des ponts avec l'équipe du web et des espaces d'expérimentation. Il est important que la communication se fasse entre les deux équipes en permanence. Une conférence de rédaction commune peut être un premier pas dans cette mise en place d'une meilleure communication… en plus d'une réunification des équipes dans un même espace.

D'autres idées pour permettre cette mutation ? Des expériences que vous avez mises en place ? N'hésitez pas à nous en parler.