Sep 29, 2006

"Publiez tout de suite sur le net" ou douze leçons apprises par le quotidien américain Roanoke Times sur le front de la révolution numérique

Le Roanoke Times est un quotidien américain de Virginie. Il est de taille moyenne : 97 000 ex/jour. C'est cinq dernières années, il s'est lancé dans une réflexion sur sa stratégie internet. Une de ses dernières créations est un journal vidéo quotidien.

Son rédacteur en chef, Michael Riley, publie un papier (en anglais) où il présente douze leçons tirées des expériences réalisées sur le net avec son équipe. Traduction rapide et concise.

1- Éduquer la rédaction
Il y a deux ans, le Roanoke a lancé une initiative dans la rédaction "Looking Ahead". L'objectif : réaliser les évolutions de la société et donc les changements qui affectent le rapport aux médias. Comment le monde est-t-il entrain de changer ? Qu'arrive-t-il aux lecteurs de journaux ? Qu'attendent-ils de nous ? Y a-t-il des segments de l'info que nous ne couvrons pas et que nous devrions couvrir ? Comment internet est-il entrain de changer les choses ? etc
Une de leur conclusion : les rédactions doivent comprendre qu'il faut séparer le mot "paper" du mot "newspaper". Nous sommes dans le business des news. Point crucial pour permettre un changement de fond dans une rédac.

2- Réfléchir à long terme
Une fois que cette séparation psychologique d'avec le papier a été faite, l'entreprise a pu penser à son avenir d'une façon différente. Elle a embrassé les nouvelles techno. Ainsi, elle a pu réfléchir à de nouvelles façons de toucher ses audiences. "Nous voulons devenir un laboratoire vivant et trouver des façons intelligentes d'agir sur le net".

3- Ne pas forcer le changement
Repérer les éléments qui sont ouverts au changement dans la rédaction. Les premières expériences ont été faites avec les photographes. Ce sont des "raconteurs" d'histoire très créatifs. Ils ont été les premiers à "jouer" avec des caméras vidéo dans l'équipe. Certains ont même étudié Flash et l'ont enseigné aux autres. Leur enthousiasme s'est propagé rapidement.

4- Intégrez, ne séparez pas
(Je prépare un post à ce sujet)
L'équipe du net doit être intégrée à la rédaction. "Cela a fait une grosse différence. Le rédac chef du net entend le chef de rubrique "ville" parler d'une info chaude et dans les minutes qui suivent l'info est en ligne."

5- Intégrer mais garder un espace d'autonomie
Les opérations internet restent quand même un département à part même si elles sont dans la rédaction. C'est parfois compliqué. Cette séparation est bonne car l'équipe du net est complétement libre de développer des idées plus radicales.

6- Pousser tout le monde à penser internet
Le journal a dans la rédaction des personnes clés dont le rôle est de penser internet. Il est très importants d'avoir des leaders qui poussent pour une vision internet de l'info.

7- Ne pas avoir peur de mettre l'info sur le net d'abord
Publiez l'info sur le net dès que vous l'avez. Allez ainsi plus vite que la télé et la radio. Ne gardez pas l'info pour le journal du lendemain. "Quelques anecdotes nous ont démontré que publier l'info en ligne d'abord conduit à plus d'intérêt pour le journal papier". Le but, s'est d'être le premier à sortir l'info.

8- Ne pas avoir peur d'inventer de nouvelles fonctions
Qui aurait cru qu'un jour un journal aurait un rédac chef multimédia ? Le journal a construit un studio de télé. Objectif : entrer en compétition avec la télé locale. Une émission de news a été créée : TimesCast. Elle est diffusée juste avant celle de la chaîne locale.

9- Nager dans le sens du courant
Le journal fait de la vidéo depuis dix ans. À l'époque, et à cause de la mauvaise qualité, "je me demandais à quoi bon ?" Il est important d'expérimenter, d'essayer "même si au départ cela n'attire pas une grosse audience et les big dollars."

10- Interactivité
Faites venir l'utilisateur sur votre site, puis écoutez ce qu'il a à vous dire. Créez des forums, des sondages. Ouvrez aux commentaires. Faites attention aux histoires les plus lues. Faites entrer les blogs sur votre site. Poussez les journalistes à avoir le leur.

11- Améliorer la communication
La rédaction doit parler beaucoup plus avec la pub et avec l'équipe techno. Ce n'est pas toujours facile pour les journalistes de comprendre ça. "L'ironie c'est que les journaux, ces chroniqueurs du changement dans le monde, ont une peur bleue du changement. Cette peur peut souvent empêcher des expérimentations vitales. Ne laissez pas arriver ça !"

12- Maintenir les valeurs du journalisme
Les valeurs du journalisme sont aussi valables sur le net : qualité de l'info, vérification, justesse, honnêteté, équilibre, contexte, éthique et service à la communauté. Il en va de la crédibilité de la rédaction et du journal. Ces valeurs sont et seront encore plus un avantage compétitif important avec la multiplication des sources d'information.

Ca vous inspire ? Bon week-end.

Sep 27, 2006

5W Mignon-Media investit dans le projet de quotidien pour enfant que lance Play Bac Presse aux USA

Play Bac Presse va lancer, début novembre, un quotidien pour enfants aux États-Unis. Son nom : My Daily 10. Il visera les 8-10 ans, comme Le Petit Quotidien en France. Mais à la différence de la version française, le journal sera électronique. Pas un site web pour autant. Un journal à feuilleter et à lire en ligne, à l'image de ce que propose Zinio ou Le Monde, depuis quelques jours. Un journal dont les enfants pourront archiver des morceaux : l'infographie du jour, par exemple. Ils auront aussi la possibilité de télécharger un version pdf pour une consultation off line.

François Dufour, le rédacteur en chef de Play Bac Presse, pense fermement que plus le produit se rapproche de l'aspect d'un journal papier, et s'éloigne de celui d'un site web, plus on a de chance de convaincre les parents d'abonner leurs enfants. Selon lui, c'est psychologique. Et, nous avons décidé de le suivre… même si vous connaissez notre rétissance à dupliquer la présentation du print sur le web.

Après tout l'argument psychologique est valable. Les gens ne payent pas pour le net. En revanche, il paye pour le papier. Peut-être ont-ils besoin de ce "pont psycho" pour sortir leur carte bleue ? En tout cas, le seul moyen d'avoir la réponse, c'est de tenter l'expérience.

C'est une des raisons pour laquelle, 5W Mignon-Média a décidé, d'investir dans cette aventure aux côté de Play Bac Presse. Sachant que notre agence est en charge du développement éditoriale, graphique, technique et marketing du site. L'autre raison ? Nous ne pouvons pas d'un côté conseiller nos clients, les aider à faire des choix stratégique, les pousser à expérimenter, les accompagner à développer leurs produits, sans jamais, de notre côté mettre en application les idées et les méthodes que nous proposons. C'est sans doute là, la différence fondamentale entre 5W et d'autres agences de consulting média.

Nous aurons investi cette année dans deux projets : itsmynews.com and mydaily10.com. Les deux seront lancés en novembre, si tout va bien. Un autre projet internet pour le marché américain est dans les cartons. Il a déjà été entièrement développés. Espérons qu'il verra le jour en 2007. Step by step.

Sep 26, 2006

Un modèle adsense pour commercialiser les archives des journaux

Sur son blog, Transnets, Francis Pisani aborde le sujet des "nouvelles anciennes". Il conclue que ces nouvelles ont une vraie valeur commerciale suivant ainsi la logique économique de "la longue traine" développée par Chris Anderson (ici en français) et dont j'ai parlée ici.

Un certain Steph (que je n'ai pas pu contacter faute d'email), dans un commentaire au post de Francis, propose une solution fort brillante quant à la façon de commercialiser les archives des journaux. Voici ce qu'il écrit. J'espère qu'il ne m'en voudra pas de publier son texte ici :

Steph :
"Pour pouvoir faire l'analyse il faudrait connaître le taux de transformation gratuit/payant actuel concernant les archives payantes, qui, comme vous, je soupçonne d'étre très peu rentables.
Cette information étant jalousement tenue secrète (parce que le ratio est catastrophique ?) je crois qu'on peut s'asseoir dessus ;-).

Ensuite, personnellement, je pense que "l'équation financière" sera rentable dans un système publicitaire de type adsense, mais probablement pas dans un système publicitaire classique comme on peut le voir sur lemonde ou libé.
Démonstration (elle vaut ce qu'elle vaut et elle est certainement criticable) :
Vous écrivez un article, il est archivé au bout de 30 jours (admettons ..). L'accès payant à cet article va tourner autour de un euro (parfois plus, parfois moins en fonction du nombre de mots -> mode de comptage réflexe du monde papier qui est complétement dépassé dans un univers web, soit..)
Le mode de rémunération sera soit : accès payant, soit publicité, puisqu'un internaute comprendra difficilement d'accéder à un article payant ET en plus de la pub...
Donc si un internaute lambda, ou 100 internautes payent un euro, le CA de l'article sera de 1 euro par unité d'accès.
Première remarque, ce CA unitaire ne bougera pas dans le temps, il s'agit d'un prix. Il ne bougera pas non plus en fonction de variables d'environements : popularité du sujet, pertinence de l'article, brulant, pas brulant ? ai je réellement appris quelque chose ? réutilisation et exploitation de l'information.
Le seul critère retenu est actuellement le nombre de mots...

Dans un mode publicitaire classique avec des archives gratuites, l'article archivé est inséré dans le système de pub (rotation ou liens sponsorisé, bannières, flash, etc ..) classique du site. Paiement au click et/ou affichage, de façon tout à fait traditionnel. Dans ce cas de figure le rendemment serait équivalent à celui des autres articles car les pubs affichées sont "générales au site". Exemple : vous aurez toujours la pub sofinco en sponsorisé, ou la dernière peugeot, ou une bannière d'un assureur. Bref. La aussi, le CA de l'article sera tout aussi "flat", ou lissé.

Admettons à présent, que vous adhériez à un système de type adsense, qui va distribuer des encarts en skyscrappers juste au coté de l'article, et que vous le paramettez de manière à ce que adsense ne prenne en compte uniquement le contenu de l'article (vous pouvez le baliser en l'occurrence). De manière générale, l'article va prendre du CPM en fonction de plusieurs critères : taux de clicks, nombre d'impressions du sky, valeur à laquelle le click a été acheté (aux enchères), contenu du document, position de l'adsense, colorimétrie (rapport de couleur entre le fond de la page et le sky qui permet de déterminité un indice de visibilité de l'annonce), etc ...
Le CA de l'article sera donc fluctuant en fonction du trafic réalisé (plus d'impressions), en fonction de la popularité du contenu auprès des annonceurs (pertinence du contenu -> les annonceurs peuvent faire monter les enchères, donc le CPM), de la raréfaction des emplacements adsense disponibles pour l'article ( S'il y a que trois place disponible et 6 annonceurs qui se battent, mécaniquement il y a un effet levier).

Admettons que l'article que vous ayez écrit porte sur la téléphonie mobile (vous avez visité une usine d'une marque en finlande, ou vous vous interessiez aux aspects socio-culturels).
Admettons qu'un scandale (licenciement, fraude, corruption, délocalisation...) frappe cette usine deux ans plus tard... l'info fait le tour des agence de presse, et reprise par google news, que des centaine de milliers de gens avides d'infos effectuent des recherches sur google ou autres. Il va se produire plusieurs choses:
1- le nombre d'impressions va exploser
2- etant populaire (donc vu) le CPM va augmenter
3- les enchères au click associé à cet article (emplacement) vont augmenter, et peut-être même attirer des annonceurs concurrents...
4- etant donné que l'article est bien référencé (puisque datant de deux ans) qu'il y a des liens, etc... cela a une influence sur la valeur du document.
5- étant donné la valeur et la pertinence et le CPM, le gain au click de l'emplacement adsense va grimper en flèche... Vous pourriez avoir des clicks à deux ou trois dollars par exemple.

Ce qui se passe c'est que vous pouvez multiplier par dix ou par quinze les revenus généré par cet unique article dans cette perspective. Sachant que pour un passage de mille impressions jour à 100 000/jour, avec un taux de click de 3.5%, un CPM autour de 10 dollars (medium) vous pouvez générer plus de mille euros de revenus type adsense pour ce seul article en une seule journée... soit probablement plus que pour toute l'année ecoulée en mode payant, plus que dans un système pub classique.

Et comme vous êtes intelligent, vous avez calibré le système de façon à optimiser au maximum l'adsense, ce qui peut vous autoriser des CPM à 15 ou 20 dollars.

Vous monétisez l'article non plus en fonction de la quantité de mots, mais en fonction de son intérêt (visites, impression, pertinence), de son contenu (adsense généré en fonction de ce que raconte l'article et donc fournit des liens en adéquation etc..; qui appelle la personne intéressée à cliquer).

A partir de cet exemple basique et un peu grossier surement, on peut imaginer et dévellopper des stratégies plus complexes."
Vous en dites quoi de son idée ?

Phrase du jour : Coke et la conversation

"Que nous choisissions ou pas d'être partie prenante du dialogue, le dialogue est en route", a déclaré Tim Kopp, interactive marketing gourou chez Coca-Cola, lors de la conférence OMMA qui se tient actuellement à New York.

Sep 25, 2006

Le Dauphiné Libéré engage une profonde réflexion sur sa stratégie business internet

Le quotidien régional français, Le Dauphiné Libéré, a décidé d'engager une profonde réflexion sur sa stratégie business internet. Benoît Raphaël est en charge de mener et d'organiser cette réflexion. "Nous allons prendre le temps d'étudier les choses en profondeur", est le message clé de Benoît.

Le quotidien sera accompagné dans son effort par 5W Mignon-Média, sous la direction de Nancy Wang, vice-présidente de 5W et directrice du département Business Stratégie.

Fran Reilly, spécialiste de la presse magazine, rejoint 5W comme consultante

C'est plus de 20 ans d'expérience en presse magazine que Fran Reilly apporte à l'équipe de consultants de 5W Mignon Média. Marketing stratégie et Business stratégie sont les deux terrains favoris de Fran. Elle vient ainsi compléter l'équipe dirigée par Nancy Wang.

Fran a joué un rôle clés dans le lancement de nombreuses publications comme, par exemple : Parenting, Martha Stewart Living, Vibe, The New York Times Upfront, Parent & Child et Prevention.

Elle s'occupe actuellement du Business Development du Synapse Group , une filiale du leader mondial de la presse magazine Time Inc, spécialisé en "affinity marketing".

Elle a, en autre, travaillé pour Time Inc, Scholastic et Rodale Inc (CV complet ici).

Marketing communautaire : un exemple à partir de Libé

Vous avez été plusieurs à me poser la question : quel marketing développer autour et dans un espace communautaire ? Un exemple me vient à l'idée en partant du cas Libé et d'une initiative de Bono. Une fois encore, pourquoi Libé, parce que selon moi c'est la marque communautaire par excellence.

Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l'action lancée par Bono et Bobby Shriver, président de DATA. Son nom : RED. L'idée est simple. Les marques développent des produits rouges (voir le site ici) : une carte de crédit rouge, un téléphone portable rouge, un tee-shirt… À chaque fois qu'un consommateur achétera un produit ou un service RED, une partie de son argent sera redistribuée au Global Fund qui lutte contre le Sida, la malaria et la tuberculose.

Aux États-Unis, ce type d'association marketing/cause est très développé. Certains ne manqueront pas de trouver le principe très discutable. D'autres y verront une façon intelligente de faire de la philanthropie et de consommer.

Pour revenir à Libé, je pense que le quotidien pourrait lancer une campagne de ce type. D'abord centrée sur sa propre survie : une partie de l'abonnement à Libé et du prix facial serait reversé à une cause. On peut même imaginer d'en proposer deux à trois différentes. Le lecteur choisirait la cause qu'il veut défendre.

Libé pourrait même soutenir son espace payant sur le web sur le même principe. Ensuite, le journal pourrait mettre en place un partenariat avec les annonceurs et reverser également une partie du prix de l'annonce publicitaire à l'un de ses deux ou trois causes. Annoncer dans Libé serait, non seulement promouvoir sa marque, mais aussi l'associer au soutien de certaines causes.

Pas de raison de s'arrêter en route. Pourquoi ne pas imaginer une billetterie pour les événements culturels où un pourcentage des billets vendus serait reversé. On peut faire la même chose pour les petites annonces, une boutique Libé, etc.

Pas besoin d'être Libé pour s'engager dans ce type de marketing/cause. Un quotidien régional, par exemple, peut s'engager sur une cause locale et la soutenir de la même façon. Par exemple : un ordinateur pour chaque éléve dans chaque classe de la 6e à la terminale, ou l'aide à la création d'un transport scolaire…

L'Équipe, autre exemple, pourrait créer un fond pour soutenir la recherche contre le dopage dans le sport.

Les idées ne manquent pas. Qu'en dites-vous ?

Sep 22, 2006

La presse quotidienne argentine développe ses espaces vidéos en ligne

L'Argentine a toujours été un pays où la presse quotidienne expérimente. Elle est, sans doute, l'une des plus avancées sur le plan de l'information visuelle. Aujourd'hui c'est la vidéo qui fait son apparition en force sur les sites des quotidiens. En voilà trois exemples. Perfil est le plus intéressant, selon moi, car ce journal n'a pas de chaîne de télévision. Les autres oui.

- Perfil tv -- entièrement en Flash
- Infobae.tv -- aussi en Flash
- Clarin

Au passage, j'aime bien le principe de la navigation du site de Clarin qui permet de choisir le contenu que vous voulez voir apparaître sur la page d'accueil actu.

Floride : quand un petit journal local lance sa télévision sur le web



Le Naples News et le Bonita News sont, en taille en tout cas, des petits quotidiens locaux américains. Pour autant, ils ont décidé de lancer leur chaîne de télévision.

Le nom de la chaîne est : Studio 55. Elle propose des infos vidéos tous les jours à 16h. Elles sont visibles en ligne et en streaming video. La technologie utilisée est Flash. Vous pouvez également les télécharger sur votre ordinateur, votre iPod et, même, votre Play Station.

L'ensemble est financé par des sponsors et de la pub entre les news.

Une initiative à suivre… et à copier. Qu'est-ce que vous en dites ?

Sep 21, 2006

Peut-on filmer un conseil municipal ?

Ah ! mon bon monsieur. On n'est plus tranquille nul part avec ces bloggeurs. Voilà qu'ils introduisent des caméras dans les conseils municipaux, en France. C'est que monsieur le maire de Gagny (Seine-Saint-Denis) n'a pas l'air d'apprécier.

Invoquant la loi, il demande au citoyen-filmeur d'arrêter de filmer. Discussion animée… Je vous laisse découvrir la suite ici en vidéo. L'incident a eu lieu le 26 juin dernier. La question qui me vient à l'esprit immédiatement : peut-on filmer un conseil municipal qui, rappelons-le, est une séance publique ? Ou bien le maire, embarrassé, a-t-il tout simplement inventé cet article de loi ? Aidez-nous à y voir plus clair.

S'il est légal de filmer, et si j'étais un journal local, j'enverrais 10 lecteurs dans 10 conseils municipaux différents avec une caméra pour voir comment ils sont reçus par les élus. J'en ferais un article dans le journal et je publierais les vidéos sur le net. Vous essayez ?

Sep 20, 2006

En attaquant Google, certains éditeurs de presse ne se trompent-ils pas de combat ?


Comme vous le savez sans doute tous, Google a été condamné en Belgique à supprimer, sur son site Google News Belgique, tout le contenu venant de la presse belge francophone, en particulier. Le moteur de recherche californien est accusé de piratage. Il a fait appel de ce jugement.

L'action a été organisée par Copiepress, une entreprise qui manage les droits d'auteurs de certains des journaux belges. " Nous demandons à Google de payer et de demander l'autorisation pour utiliser notre contenu… Google vend de la publicité et fait de l'argent grâce à notre contenu" a déclaré au Guardian (ici en anglais) Margaret Boribon, secrétaire général de Copiepress.

Il n'y a qu'un problème à cette affirmation, et pas la moindre, il n'y a pas de publicité sur les sites de Google News. Je vous invite à vérifier : news.google.be, news.google.fr, news.google.com. Comme c'est le seul moyen pour Google de gagner de l'argent, on se demande bien où est le revenu "volé" grâce au contenu des journaux. J'aimerais bien que l'on m'explique. D'autant plus que l'on ne peut pas lire la totalité de l'article sur google news. Il faut cliquer sur un lien qui vous renvoie sur la page du journal en question. Les journaux ne veulent pas de ce traffic ?

En revanche, le moteur de recherche, lui propose des publicités en rapport avec le contenu de votre recherche. En effet, comme le note John Burke (ici en anglais) sur le site de l'AMJ, si vous tappez 9/11, vous obtenez toute une série d'articles sur le 11 septembre et la publicité contextuelle qui correspond à cet article. Là, en effet, Google gagne de l'argent en associant le titre de l'article du journal, et parfois le "lead", à celui de la pub.

Est-ce de cela que parlent les éditeurs ? Ils ne veulent plus que leur contenu soit cherchable sur Google ? Ils ne veulent plus de ce traffic non plus ?

Je ne veux pas défendre Google à tout prix. Ils n'ont pas besoin de moi pour ça. Mais, là encore, je ne comprends pas la logique des éditeurs. Reprenons :

1- Google est un annuaire en ligne.
2- Il indexe gratuitement le contenu du web pour le bonheur des utilisateurs, mais aussi pour celui des entreprises qui sont ainsi "trouvables sur le net".
3- Plus elles sont trouvables, plus elles reçoivent de traffic.
4- Pour financer ce service d'annuaire, gratuit pour tout le monde y compris les éditeurs, Google a mis en place un système de publicité contextuelle.
5- Seulement un tout petit morceau de l'article est directement lisible sur Google. Il fait un lien avec le site de l'éditeur.

Où est le problème ? Si vous êtes une entreprise, la première chose que vous voulez c'est d'apparaître dans les Pages jaunes, pour être "trouvable". Mieux, si vous voulez être très visible, vous payez les Pages jaunes ! Non ? Des millions sont dépensés chaque année en promotion par les entreprises pour faire connaître leur marque. Google propose un outil de promotion gratuit ! Il faut bien qu'il trouve un moyen de financer ce service gratuit pour l'ensemble des utilisateurs. Non ? Google doit-il arrêter de référencer les éditeurs et les faire payer, comme le font quasi tous les annuaires sur cette planète ?

Les journaux sont en train de développer des flux RSS. 75% des quotidiens américains par exemple en ont. Vont-ils aussi attaquer les aggrégateurs de RSS de type netvibes, webwag, itsmynews, live, my yahoo… pour infraction au copyright ?

Et les utilisateurs dans tout ça ? Ce sont les Belges qui doivent être heureux de ne plus pourvoir accéder au contenu de leurs journaux via Google. Comme si la presse avait besoin de frustrer un utilisateur supplémentaire ! En attendant, ils passeront par Google.com ou Google.fr.

Dans toute cette histoire, il y a un truc qui m'échappe. Je vous l'avoue, j'ai l'impression que l'on marche sur la tête. Pas vous ? J'aimerais bien vous entendre là-dessus.

Sep 18, 2006

Pourquoi Libé n'abandonne-t-il pas le papier ?

La crise que vit Libération n'a rien d'unique. C'est celle de la presse quotidienne nationale dans les pays occidentaux. Ce journal mythique, qui à mon avis a été l'un des meilleurs et des plus beaux du monde, a sans doute fait des erreurs stratégiques. Mais rien de plus que la majorité des quotidiens nationaux dans les pays occidentaux. Ils perdent des lecteurs et des parts de marché publicitaire partout. Comme eux, il a du mal à se réinventer. Pas plus. Pas moins. Libé n'est pas le quotidien qui perd le plus d'argent.

En revanche, plus qu'eux, il a raté le tournant du net. Pourquoi plus qu'eux ? Parce que la nature, l'esprit Libé aurait dû le porter à être l'un des premiers à occuper les créneaux de l'information-conversation, du "journalisme"-citoyen (comprenez tous correspondants et non tous journalistes), du débat-citoyen, des blogs… Il aurait dû être à l'origine de sites de réseaux sociaux et des sites de petites annonces gratuites pour les particuliers à la façon Craigslist. Il était le quotidien le mieux placé "idéologiquement" pour être un des leaders de cette révolution "pronétarienne" dont parle Joël de Rosnay (télécharger gratuitement son livre en pdf ici). Une sorte de vocation naturelle.

Il avait pourtant bien commencé sur le net. Il n'a malheureusement pas persisté. On ne réécrira pas l'histoire. Toujours facile de faire des constats et de donner des leçons après. Ce n'est pas le but de mon propos. Loin de là.

Je crois encore à la force de la marque Libé. Et, je crois qu'il y a la place pour un Libé en France. Un journal moderne, sans concession, mordant qui appuie là où ça fait mal. Un journal dans son époque, pas forcément engagé sur une partie de l'échiquier politique, mais qui ne fait pas dans le politiquement correct. Un journal anticonformiste qui ne tombe pas dans "l'anti-à-tout-prix". Un journal qui joue à fond la carte de l'information-conversation, de la participation des citoyens et de l'intelligence collective "open source". Oui, j'ai la faiblesse de croire qu'il y a la place pour un média de ce type en France. Et, je pense que la marque Libé peut porter ce message.

Pour autant, le produit final doit-il être un quotidien papier payant ? Je ne sais pas. Au fond, et sincérement, je ne crois pas. Ce n'est pas le pari que je ferais si j'étais en charge du problème. Car, essayer de sauver Libé, c'est peut être abandonner l'idée d'un Libé papier dès maintenant. Pourquoi ne pas avoir un quotidien uniquement en ligne ? Avec une édition papier payante, toute en couleur et au format A4, pour le week-end ou le dimanche.

Pourquoi ne pas se lancer dans une aventure sur le modèle du quotidien allemand Netzeitung uniquement en ligne ? Fondé en 2000 à Berlin, il emploie aujourd'hui 60 journalistes. Son chiffre d'affaires devrait être d'environ 8 millions d'euros cette année. Il permettrait de dégager, pour la première fois, quelques bénéfices. Il touche 1,2 millions de visiteurs uniques tous les mois. En bonne santé, il s'est même payé le luxe de racheter d'autres sites autour de la technologie, de la santé et de l'automobile et, aussi, une station de radio. Il vient même de lancer un site de "journalisme" citoyen : Readers-Edition.de.

Il me semble que c'est au prix d'un tournant radical, que Libé aura une chance de survivre à la crise qui le tue à petit feu et de se réinventer. Et cette révolution, je la commencerais en éliminant le support papier la semaine, pour le garder, éventuellement que pour une édition du week-end, voir du dimanche. Un gratuit donc. Mais pas un gratuit papier. Un journal mais pas seulement un journal. Un site d'infos et de services… au service de sa communauté de lecteurs. Pas facile. Mais Libé n'a plus rien à perdre. Et l'équipe ne peut compter que sur son audace. Alors chiche ?

Sep 16, 2006

Skype propose aussi la fonction video pour Mac


Les utilisateurs de Skype sur Mac (comme moi) vont être heureux, la video est enfin disponible dans une version beta téléchargeable ici. En plus, elle est compatible avec les utilisateurs PC. Elle fonctionne avec différentes webcam, dont la iSight de chez Apple.

Pour info, Skype vient de lancer une offre en France jusqu'à la fin de l'année. De votre compte Skype, vous pouvez appeler gratuitement et de façon illimitée tous les téléphones fixes français. Cette promo existe également aux USA.

Sep 15, 2006

France : Le quotidien régional, Le Bien Public, ouvre son site à la conversation



Enfin ! Un quotidien régional français a franchi le pas. Le Bien Public a ouvert son site web à la conversation (ex ici). Les lecteurs peuvent dorénavant commenter l'ensemble des articles publiés sur le site. Alleluia ! Et apparemment, ils le font.

Je me suis promener sur le site à l'instant. Intéressant de constater que les commentaires se font sur l'info locale. Je n'en ai vu aucun en national et international. Après vérification, la modération se fait a posteriori.

On regrette que cette nouvelle fonctionnalité ne soit pas visible dès la page d'accueil. Ce serait une meilleure promotion pour le service. On regrette également de ne pas avoir sur la home page un espace pour signaler : quels sont les articles les plus commentés, quels sont les derniers commentaires, etc. Sans doute un problème technologique derrière, plus qu'un manque de volonté.

Absence, en revanche, d'une fonctionnalité primordiale : la possibilité d'"envoyer à un ami" l'article. Un outil qui génère un traffic considérable vers les sites. Problème techno également ?

Cette initiative est à saluer et à encourager. En revanche, le site n'est pas très "user friendly". Il péche par son design et son manque d'ergonomie. D'une page à l'autre la navigation change. Une erreur fondamentale. Une fois que l'on entre dans un article, on n'a plus aucune idée des sujets qui se trouvent à la Une et donc aucun moyen de revenir dessus en un clique.

Manque aussi de lisibilité des textes en raison d'une force de corps de la police par défaut trop petite et un interlignage trop serré. À ce propos, je recommande vivement de jeter un œil aux pages d'articles du site du New York Times (ici). Elles sont, selon moi, un modèle en terme de lisibilité.

Quoi qu'il en soit, bravo au Bien Public pour se lancer dans la conversation. C'est une première étape importante. On espère avoir des chiffres sur le traffic bientôt. Et merci à JF Farny de nous avoir signalé l'initiative.

Mise à jour : C'est ce que j'aime avec internet et la conversation quand vous racontez quelque chose de faux, on vous le fait normalement vite remarquer. Donc, le Bien Public n'est pas le premier quotidien local à permettre aux lecteurs de réagir aux articles, le site de la Dépêche du Midi propose également cette fonction. Mais pas sur tous. En revanche, je trouve très ennuyeux leur système pour pouvoir commenter (ici). On doit donner beaucoup trop d'infos. C'est dissuasif.

Sep 13, 2006

Email marketing : les restaurants et le secteur de la presse et de l'édition obtiennent les meilleurs résultats aux US

Harte-Hanks a comparé (pdf) les retours sur les campagnes marketing par e-mail de treize industries. C'est la restauration qui arrive en tête avec le meilleur score pour les "emails ouverts" (167,7%*) et aussi pour le nombre de cliques vers l'offre contenue dans l'email (57,7 % de "click-through").

Bonne nouvelle pour la presse et l'édition, ce secteur obtient le deuxième score de "click-through" (55,6%) et le troisième en ouverture (95,33%).

En moyenne, 78,8% des emails reçus seraient ouverts. Et, 18,4% déclencheraient un "click-through". Le B to C fonctionnerait un peu mieux que le B to B. C'est le commerce aux particuliers qui obtient les plus mauvais résultats pour l'ouverture d'emails (35,3%) et l'industrie automobile pour le "click-through" (5,7%).

Classement du "click-through" :

- Restaurants 57.5%
- Presse et édition 55.6%
- Pharmacie 23.8%
- Voyage et hospitalité 23.4%
- Conférences et événements 14.2%
- Services financiers 11.0%
- Technologie 10.9%
- Gouvernement 9.5%
- Assurances 9.5%
- Biens de consommation 8.6%
- Loisirs & détente 8.1%
- Commerces 6.0%
- Auto-moto 5.7%

Classement des "emails ouverts" :

- Restaurants 167,7%
- Assurances 120,1%
- Presse et édition 95.3%
- Conférences et événements 86.5%
- Pharmacie 83.3%
- Services financiers 78.5%
- Technologie 70.5%
- Biens de consommation 67,7%
- Voyage et hospitalité 63.1%
- Auto-moto 57.6%
- Gouvernement 53.1%
- Loisirs & détente 45.4%
- Commerces 36.2%


(source : Harte-Hanks, communiqué de presse)

* Le score au-delà de 100% s'explique par les réouvertures d'emails et l'emails "forwardés".

Apple lance son service de film sur le net

Le bruit circulé depuis plusieurs mois. Cette fois c'est officiel, Apple vient de lancer son service de film à la demande sur internet, aux US. Il devrait l'internationaliser en 2008. Les films sont téléchargeables à partir de la boutique en ligne iTunes.

Les nouvelles productions seront disponibles au prix de $US 12,99 chacune pour des commandes passées à l'avance et pendant la première semaine de commercialisation, puis à $ 14,99. Ce qui est toujours en-dessous du prix pratiqué par les grandes surfaces américaines de type Wal-Mart. Après un certain temps, les films passeront à $ 9,99.

S'ajoute à cette annonce, celle d'un gadget qui permet de regarder plus facilement ces vidéos sur une télévision. Son nom : iTV. Son prix : $US 299. Sa disponibilité : début 2007.

Déjà un peu plus de 75 films sont téléchargeables sur iTunes, d'après AP. Ce service n'est pas le premier à proposer des films en ligne. Ils n'ont, pour le moment, pas rencontré un grand succès. On va voir si la réputation du iPod et de iTunes va changer la donne. Vous en dites quoi ?

Sep 12, 2006

Projet : ne pas donner son opinion mais analyser

Quoi de plus ennuyeux et frustrant quand un changement, dans un projet, advient sur la base des goûts et des couleurs d'une personne. Je suis certain que vous vous êtes tous trouvés, un jour ou l'autre , dans cette situation. "Ma fille, qui étudie le design à l'école tarte-en-pion, m'a expliqué que le orange était passé de mode. Je crois qu'il faut changer cette couleur dans la couverture." Ca vous rappelle quelque chose ?

J'ai souvent dit à mes équipes, et j'ai toujours essayé de convaincre mes clients, qu'il ne fallait pas juger sur la base des "goûts et des couleurs". Pas simple. Je n'y suis pas toujours arrivé. Loin de là. Sans doute parce que je n'avais pas la bonne formulation.

Et de formulation, je viens d'en trouver une dans le livre de Seth Godin, un gourou du marketing, Small is the new big. Un très bon livre, plein d'énergies positives, que je vous invite à lire. Il a aussi un blog que vous pouvez consulter ici.

Seth n'y va pas par quatre chemin : "Tout le monde se moque de votre opinion." Le débat n'avance pas si vous dites : "Je n'achéterai jamais cette boîte" ou "Je n'aime pas ce rouge". Et il précise : "Ce que je veux à la place de votre opinion, c'est votre analyse". Est-ce que le produit que l'on me propose remplit les critères qui vont déclencher l'acte d'achat de la cible ?

Prenons le cas d'une couleur. Je prends la couleur car c'est l'un des sujets où les gens réagissent le plus par rapport à leurs goûts. Est-ce que cette couleur évoque le produit ou pas ? Par exemple, marron et orange pour un chocolat aux extraits d'orange. La réponse est oui. Bleu et violet, pour un jus d'ananas. La réponse est non. Opinion ? Non, analyse. Simple ici.

Rentrer dans la logique des goûts et des couleurs, c'est rentrer dans une spirale infernale. Celle du silence. Que puis-je dire sur vos goûts ? Vous ne les changerez pas pour moi. La discussion est impossible. L'analyse, en revanche, permet la progression. Mais, elle comprend plus de risque puisque, a contrario de l'opinion, elle est facilement démontable si mal structurée ou mal argumentée.

Pensez toujours à la cible, si on vous demande votre réaction. Posez-vous toujours la question : un acheteur de plus ou de moins ?

Sep 11, 2006

Mon 11 septembre 2001

Je suis de ceux qui ne sont pas allés voir les films World Trade Center et United 93. Pas le courage. Pas l'envie de revoir ses images. Pas encore… en tout cas.

J'ai longtemps hésité à faire ce post. Ce n'est finalement pas facile de parler de ce 11 septembre 2001. Qu'écrire qui n'a pas déjà été écrit ? Que dire qui n'a pas déjà été raconté ? D'autant plus, qu'il m'a fallu plusieurs mois pour vraiment me souvenir du déroulé des événements ce jour-là. Et, tout n'est pas encore clair à 100%. Enfin… voilà mon histoire.

En 2001, j'habite à côté du World Trade Center. Au 50 Battery Place, dans un quartier qui s'appelle Battery Park. Un quartier de Manhattan au bord de l'eau où se mèlent l'océan Atlantique et l'Hudson river. Le jour avant le drame nous pic-niquons, avec des amis, sur l'une des nombreuses pelouses qui font face à l'océan. J'aime beaucoup ce "borough" de New York.

Pierre-Albert, sa femme Claire et sa fille Louise (elle devait avoir à peine plus d'un an) sont arrivés de France. Il y a deux jours. Claire attend son deuxième enfant. Ce matin du 11 septembre, nous avons prévu d'aller au sommet du World Trade Center. J'effectue une mission dans une boîte financière britannique logée dans la tour numéro 2, 12e étage, depuis plusieurs semaines. Je n'ai pas de rendez-vous avant 10h. Mon badge électronique devrait nous permettre d'éviter la queue des touristes.

Astrid, ma fille, 10 ans, et sa maman sont parties à 7h15 en métro, direction le Lycée Français, Upper East side. 8h00, mes amis et moi prenons le petit déjeuner dans le salon. On se prépare doucement. Ma tasse de thé à la main, je lis les infos sur mon ordinateur portable. Un mac power G3. Noir. Le New York Times d'abord, puis Le Monde. Je crois me souvenir que ce jour-là Israël avait fait une incursion dans les territoires occupés avec ses blindés.

8h45, j'entends une détonation. Comme un avion de chasse qui passe le mur du son. Je crois d'ailleurs qu'il s'agit de ça. Quoi d'autre ? Pierre-Albert sort de la salle de bain. "Tu as entendu ce bruit ? Y'a un truc qui vient d'exploser !", me dit-il. "Sans doute le bang d'un avion de chasse", lui dis-je, pas très convaincu.

Un peu avant 9h00, je reçois un appel téléphonique de François Dufour, le rédacteur en chef de Mon Quotidien : "Il y a un avion qui vient de s'écraser à côté de chez toi, dans le World Trade Center. Va jeter un œil". Je n'en crois pas mes oreilles. J'attrape mes "Teva" et, avec Pierre-Albert, nous nous précipitons dehors. Je vis au rez-de-chaussée. Je ne pense alors pas du tout à une attaque terroriste. Pour moi, c'est un petit avion qui vient de rentrer dans la tour. Il y a toujours des hélicos et des avions de tourisme qui font visiter Manhattan par les airs. Sans doute une erreur de pilotage, me dis-je.

Pas le temps de passer la porte du hall d'entrée, qu'un bruit assourdissant se fait entendre. Beaucoup plus fort que le premier. Le sol en tremble. Nous courons vers les tours. Mon téléphone portable sonne. C'est encore François qui m'explique qu'un deuxième avion vient de frapper l'autre tour. Là, plus de doute. Ce n'est pas un accident. Pas deux fois en quinze minutes.

Les deux tours sont en feu. C'est le cauchemard. Des débris jonchent le sol. Pompiers et flics courent dans tous les sens. Les sirènes hurlent. La presse est déjà à pied d'œuvre, les caméras braquées sur les tours. Avec Pierre-Albert, nous nous trouvons au pied des tours, à l'angle de West Side Highway et de Liberty Street. Je discute avec un pompier. Il est en train de mettre en place un périmètre de sécurité. Il m'explique que ce sont deux avions de ligne qui viennent de se cracher dans les tours. Vu d'en bas, et du côté où nous sommes, on n'a pas l'impression que le trou est énorme.

Cette fois, pas de doute. Ca ne peut être qu'une attaque terroriste. Nous décidons de retourner chez moi. J'essaye de joindre mon ex-femme. Pas moyen. Elle doit être dans le métro. Sur le chemin du retour. Espérons qu'elle ne s'est pas arrêtée au centre commercial qui se trouve au sous-sol du World Trade Center, comme elle le fait régulièrement.

9h20 environ, nous sommes de nouveau dans mon appartement. Pierre-Albert raconte ce qu'il a vu à Claire. Je me précipite sur mon ordi, direction internet. J'arrive à rentrer sur le site de France Info. Là, une seule page accessible. Elle parle de l'attaque et explique briévement que 5 à 9 avions (je crois) auraient été détournés.

Vingt minutes après, nous repartons sur les lieux. Des centaines de personnes marchent à contre sens, fuyant. Elles marchent calmement, mais d'un pas décidé. Certaines sont blessées. Elles ont du sang sur le visage. Le téléphone sonne. Encore François. Un avion vient de s'abattre sur le Pentagone, à Washington. Je ne bouge plus. C'est incroyable. La guerre au cœur des États-Unis. L'horreur à deux blocs de chez moi.

"Où vont tomber les autres avions ?", se demande Pierre-Albert. Wall Street est juste à côté. Prochaine cible ? Nous revoilà au pied des tours. Au même endroit que tout à l'heure. J'ai pu passer le barrage avec ma carte de presse. J'ai la détermination d'interroger des témoins mais je ne peux m'empêcher de fixer les tours. Des gens sont là aux fenêtres. L'un d'entre eux agite une chemise blanche. Il est juste au-dessus de l'étage en feu. Dramatique.

Et puis soudain, c'est l'horreur absolue. Au milieu des papiers qui volent, quelque chose tombe plus vite. "Un type vient de sauter", hurle Pierre-Albert. C'est insoutenable. Un morceau de tôle en feu finit sa chute à quelques centimètres de nous. "Tu as vu ça ! On aurait pu ce le prendre sur la gu… C'est dangereux ! Partons", continue-t-il. Et puis soudain, un, puis deux autres corps… qui tombent. C'est terrible. Les larmes me viennent. Pas question de rester là plus longtemps.

Nous rebroussons chemin. Tournant le dos aux tours. Muets. Choqués par ce que nous venons de voir. Il doit être 10h. Nous sommes à un bloc de notre appartement. Soudain un bruit énorme. Comme une bombe. Des hurlements. Des cris. Nous nous retournons ! Un immense vague noire se prépare à nous recouvrir. Les gens courent dans tous les sens. Juste le temps pour nous de rentrer dans le hall de mon immeuble. Et nous voilà, dans le noir absolu ! C'est la panique totale. Nous croyons que c'est un autre avion qui vient de s'écraser sur notre quartier. Nous n'avons pas vu la tour s'écrouler. Nous ne le serons que plus tard.

Ils sont des dizaines dans le hall d'entrée de mon immeuble. Terrifiés. Pierre-Albert a rejoint Claire dans l'appartement. Une femme fait un début de crise d'asme, je la conduis chez moi. Elle s'allonge sur le canapé, en pleure. Nous sommes toujours dans le noir. J'avais laissé une fenêtre entre ouverte et cette poussière grise est entrée dans le salon. Louise, le bébé de Claire, pleure. On a tous peur. Vont-ils raser le quartier avec les avions ? Une seule envie : fuire. Mais où ? Je regarde par la fenêtre (fermée)… pas moyen de voir plus loin que le bout de mon nez.

Je pense à ma fille et à sa maman. J'ai peur. Est-elle bien arrivée à l'école ? Où est passée mon ex-femme ? Cela fait au moins dix fois que j'essaye de la joindre. Pas moyen. J'appel des amis. Rien. Je regarde ma montre. Astrid est rentrée à l'école à 8h15. Elle doit être en sécurité. Mais sa mère ? Elle devrait être là. Pierre-Albert essaye de me rassurer. La police a du bloquer les métros. Elle ne peut pas passer. J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure.

Je ne sais pas combien de temps il se passe avant que le premier rayon de soleil refasse son apparition. Peut-être 15 minutes. Quinze longues minutes. La jeune femme sur le canapé va mieux. Je lui propose de téléphoner à sa famille. Mon téléphone marche toujours. Elle tombe sur un répondeur. Elle parle espagnol. Elle explique que tout va bien. Qu'elle est en vie. Puis raccroche, nous remercie et s'en va. Par la fenêtre, je vois des gens recouverts d'une couche blanche de poussière. Tout comme le sol. Le spectacle est irréaliste. On dirait un matelas de neige en plein été. Ils fuient les lieux. Nous devrions en faire autant… d'ailleurs. Et toujours pas moyen de joindre mon ex-femme et ses amis. Où est-elle ? Je ne veux pas envoyer d'email pour dire que je vais bien… Tant que je n'ai pas de nouvelles de ma famille.

Nous retournons dans le hall avec Pierre-Albert. Il a peur du stress pour Claire, en pleine grossesse. Je parle avec le "super" de l'immeuble. Il m'apprend que c'est l'une des tours qui est tombée. "C'est pas possible !", lance mon ami. Pas le temps d'en dire plus que de nouveaux cris surgissent de la rue, des gens courent, rentrent dans l'immeuble. La panique revient. Et nous revoilà plonger dans le noir. L'autre tour s'effondre.

Dans l'appartement, nous essayons de rester calme. Pas facile. On frappe à la porte. C'est un pompier. Il est blessé. N'y voit plus rien. Il a de la poussière plein les yeux. Nous l'aidons à se laver le visage. Lui offrons à boire. Il se pose sur une chaise pour un moment… sans dire un mot. Il repartira quand le nuage sera passé. Il fait si beau ce 11 septembre à New York.

Toujours pas moyen d'avoir des nouvelles de ma fille et de sa maman Élisabeth. Soudain l'ordre nous est donné d'évacuer. Les bâteaux arrivent de tous les côtés. Les Américains sont d'un calme absolu. Pas de mouvement de panique, cette fois. Les personnes âgées d'abord, les enfants et les femmes ensuites. C'est le silence complet. Nous avons tout juste le temps de prendre nos papiers. Je mets nos deux ordinateurs portables dans mon sac à dos. Louise est dans sa poussette. Des policiers nous distribuent des masques. Et nous voilà dans la rue. En short, tee-shirt et tongues. Il doit bien faire 30 degrés. Mon objectif : récupérer ma fille à l'école en espérant que sa maman sera aussi là.

Il nous faut donc aller Upper East Side. Nous trouvons un bateau qui fera halte sur la 62e rue et East River. C'est un remorqueur. Il est rouge. Pas du plus jeune âge. Nous sommes au moins 200. L'air épuisé. Les yeux dans le vague. Tous collés à notre téléphone portable. Pas moyen de joindre qui que ce soit. Nous regardons la fumée qui s'échappe du bas de Manhattan. Incroyable ! Les tours ne sont plus là. Combien de gens sont morts ?

La remonté de la rivière nous semblera interminable. Au moins une heure et demie. Une fois sur la 62e rue, nous nous précipitons chez des amis de mon ex-femme. Le doorman les appelle. Ils n'ont aucune nouvelle d'elle. Mais ma fille est bien à l'école. Je suis livide. Que vais-je lui dire quand je vais la voir. Que je ne sais pas où est sa mère ? Pas question. Claire est épuisée et sous le choc. Elle monte se reposer chez Odile et Laurent. Pierre-Albert et moi, on part à l'école.

J'essaye encore de joindre Élisabeth. Pas moyen. J'espère qu'elle aura eu l'idée d'aller à l'école aussi. Mais que faire si elle n'est pas là. 14h00, j'arrive devant l'école. Je suis grave. Profondément triste et stressé. Soudain, sur le trottoir, devant moi. Astrid et sa maman. Je n'ai jamais été aussi heureux de les voir. Je les prends dans mes bras. Elles pleurent. Mais quel soulagement. On va pouvoir rassurer nos familles. C'est François qui le fera pas téléphone suite à un email que je lui ai envoyé.

J'apprendrai, comme je le craignais, qu'Élisabeth était dans le métro au moment où les tours se sont écroulées. À une station du World Trade Center. Elle ne savait pas ce qu'il se passait. Elle allait sortir de la station quand, soudain, tout le monde est retourné dans la rame de métro. Le chauffeur hurlait : "Montez ! Montez ! je vais fermer les portes". Et la poussière c'est engouffrée dans la station. Heureusement, elle n'a pas eu le temps de rentrer dans les rames. "Les gens pleuraient", me racontera Élisabeth. "Certains étaient à genoux et priaient. On a bien cru qu'on allait tous mourir", m'avouera-t-elle.

Finalement le métro fera marche arrière, libérant ses passagers une station plus haut, à City Hall. Elle sera remontée à pied jusqu'à l'école. Nous sommes donc tous en vie. Nous finirons le reste de la semaine chez nos amis. À dix dans un appartement. On récupérera, par chance, les affaires de nos autres amis quelques jours après. Ils prendront l'avion le lendemain, pour la France, pas rassurés mais soulagés de partir. Partir ? Nous y avons pensé. Comme des milliers d'expatriés. Certains l'ont fait. Pour nous, la magie de cette ville aura été plus forte que la peur. Une peur qui, parfois, est encore là. Aujourd'hui, ma fille n'ira pas en métro à l'école. Ni en bus. Taxi cette fois. On ne sait jamais. Un malade ! Ridicule, sans doute. Mais que voulez-vous…

Sep 6, 2006

Congrès américain : quand un quotidien s'allie à des citoyens et des associations pour une enquête sur des fonds secrets

D'où sort l'argent des 1,800 "earmarks" qui sont prévus dans la facture des Departments of Labor, Health and Human Services, and Education en 2007 au Congrès américain ? Quels sont les membres des assemblées qui ont attribué ces fonds et à qui ?

Des questions auxquelles des citoyens, des associations politiques, plutôt proches des Républicains (Sunlight Foundation, Citizens Against Government Waste, Porkbusters, Club for Growth, The Heritage Foundation…) et un groupe de quotidiens gratuits, The Examiner, essayent de répondre ensemble.

De quoi s'agit-il ? Les earmarks sont des fonds, que certains qualifient de secrets, qui sont attribués par des membres du Congrès américains à des projets spécifiques sans qu'il y ait débat ou vote (plus d'explications en anglais ici). Un peu comme si un membre de l'Assemblée national ou du Sénat en France pouvait recueillir des fonds et les attribuer à qui ou à quoi il souhaite sans que cela soit présenté aux élus. Le montant de la facture serait de 500 millions de dollars US.

The Examiner a donc décidé de travailler main dans la main avec ces associations et à lancer un appel aux citoyens pour les aider à mener l'enquête. Il l'explique dans un édito du 15 août dernier :
Something new is happening today as The Examiner invites readers to help uncover which members of Congress sponsored the 1,867 secret spending earmarks worth more than $500 million in the Labor-Health and Human Services appropriation bill now before Congress.
These earmarks average more than $268,000 each. To our knowledge, The Examiner is the first-ever daily newspaper to join with readers, citizen activists from across the political spectrum and bloggers in this manner to uncover the facts behind government spending.
[…] Check out the earmarks for your state and then call your congressman and ask if he or she sponsored any of your state’s earmarks. If the answer is yes, ask why the congressman’s name isn’t on the earmark. If you recognize the institution designated to receive the earmarked tax dollars, call them and ask them what they intend to do with your money.
Then email us at info@examiner.com with the subject line “Earmarks” and tell us what you found out. The Examiner will be asking more questions about who got the earmarks and why, so your information could be very important. You will be part of an army of citizen journalists determined to shine some much-needed light on spending decisions made behind closed doors by powerful Members of Congress.

Et la nouveauté est là. Il s'agit d'une enquête collective où des professionnels de l'information et des amateurs travaillent ensemble. Une "expérience de journalisme en réseau" (networked journalism) selon Jay Rosen, journaliste et professeur américain à l'université de New York (NYU), qui a attiré mon attention sur le sujet hier lors d'une conversation. Il en parle abondamment sur son blog (en anglais).

Une base de donnée a été créée par le journal (ici). On peut déjà y voir certaines dépenses État par État. La Sunlight Foundation met à la disposition du public une carte Google : "Show me the money". On peut même télécharger un document Exel (ici) avec les infos qui ont été trouvées à cette date.

Comme l'explique Jay dans son blog, "cette initiative est un moment clé dans l'évolution du web comme outil pour remonter de l'information". Il donne dix raisons (ici). J'en retiendrai deux :
- Cette initiative ne pourrait avoir lieu sans le web
- Elle se fait avec un groupe de journaux gratuits qui ont à leur tête un nouveau venu dans le monde des médias (le milliardaire américain Philip Anschutz).

Elle est, en tout cas, un exemple qui pourrait être repris à plus petite échelle par les quotidiens locaux. Comment est utilisée l'argent du contribuable, qui est en charge d'un problème dans la communauté ? Des idées de rubriques que certains reconnaitront et qui peuvent, grâce au web, avoir des "développements citoyens". C'est cette information locale là que les lecteurs veulent lire. Une information non institutionnelle couverte par un journal au service de la communauté. Une information-conversation qui animera les débats chez les citoyens et entre le journal et ses lecteurs.

(source : Jay Rosen)

Sep 4, 2006

Une série de données sur les tendances du net aux US

(cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Pew Internet & American Life Project met à la disposition du public une série de données sur les dernières tendances internet aux États-Unis.

1- Qui est en ligne (ici) : un tableau qui vous donne les dernières données démographiques disponibles sur les internautes américains.

2- L'activité totale en ligne (ici) : pourcentage des internautes qui ont fait un jour quelque chose sur le net.

3- L'activité quotidienne en ligne (ici) : pourcentage des internautes ayant une activité précise, sur la base d'une journée type.

4- Adoption d'internet (ici - PDF et image ci-dessus) : taux de pénétration du net aux US sur onze dernières années.

5- Usages du net : un document Excel avec des données sur les activités en ligne des internautes organisées démographiquement.

(source : Pew Internet & American Life Project via Buzzmachine)

Sep 1, 2006

You Tube : l'identité du génial guitariste révélée



Non, non, je ne suis pas en train de changer le thème de ce blog. Mais, comme c'est le week-end, je me suis dit, un autre sujet léger… c'est pas si mal.

Jetez un œil à cette vidéo (ici au cas ou la video ne fonctionne pas ci-dessus) -- son indispensable ! Il y a huit mois un jeune ado inconnu a posté cette vidéo de lui, cachant son visage, sous le nom funtwo. Il joue le Canon de Johann Pachelbel avec sa guitare. Incroyable !

Incroyable également, le nombre de fois où cette vidéo a été vue. Le New York Times avance le nombre de 7,35 millions. "Funtwo’s performance would be platinum many times over", écrit le quotidien américain dans un très long article (en anglais - enregistrement gratuit nécessaire) qu'il a consacré à Jeong-Hyun Lim, ce 27 août dernier. Car finalement, on a retrouvé la trace du virtuose anonyme qui se cachait derrière sa casquette. Il s'agit d'un jeune guitariste coréen de 23 ans, vivant à Séoul.