Je dis souvent dans les salles de rédaction : êtes-vous certains que vous avez bien en tête les générations de l'écran. Je dis "les" car, elles sont maintenant multiples. Ce sont les - 35 ans. Ces générations qui consomment quasiment tous leurs médias sur écran : télé, ordinateur, ipod, consoles de jeux, téléphone portable et autres appareils électroniques sans fil.
Et, j'ai envie de dire la même chose aux profs quand je vois la façon dont la très grande majorité d'entre eux enseignent toujours. Avez-vous bien en tête les générations de "regardeurs" d'écran que vous avez en face de vous ?
La réponse, dans les deux cas (journalistes et profs) est NON. Un grand NON. J'ai toujours été passionné par l'éducation. Elle est le fondement de tout. Et elle a très peu changé depuis soixante ans.
Prenons un exemple simple. Pourquoi demande-t-on encore à nos enfants d'écrire avec un stylo sur une feuille ? Quel en est le sens ? Parce qu'un ordi c'est trop cher ? Que l'Éducation Nationale arrête d'acheter des livres aux éditeurs puis, dans l'enseignement secondaire, de demander aux parents de le faire. Qu'elle les pousse à mettre leurs contenus en ligne. Il serait ainsi facile de les mettre à jour toute l'année, d'ajouter des liens et d'autres contenus. Des contenus multimédias avec son son, vidéo, textes, images et moteur de recherches pour trouver l'ensemble. On pourrait mettre en place un système d'abonnement par élève pour rémunerer les éditeurs. Plus de livres, le coût serait moins élevé pour l'Etat. Mais aussi pour les parents. Ce serait plus écologique. Imaginez le coût d'impression de tous ces livres chaque année. Avec les millions d'euros économisés, l'Education nationale aurait les moyens d'acheter un ordi aux élèves. D'ailleurs, la rémunération aux éditeurs pourraient comprendre un ordinateur par élève.
Les élèves feraient leurs exercices sur Google doc ou autres logiciels partageables. Voire publieraient sous forme de blog leur travail. Car comme le dit l'éducateur et blogger Québecois
Mario Asselin, et j'en suis moi aussi persuadé, quand on a un public, on est plus motivé.
Mais, ce n'est pas l'ordinateur qui va changer la face de nos méthodes d'enseignement. Ce sont les profs et ceux qui font les programmes. Inutile de dire que, là non plus, l'imagination n'est pas au pouvoir. Je ne remets pas en cause la dédication de biens des profs. Je remets en cause la façon dont on enseigne qui n'évolue pas et ce qu'on enseigne. Je remets aussi en cause la façon dont sont faits les livres scolaires. Le papier est, en plus et sans doute (de nos jours), l'un des plus mauvais supports pédagogiques.
Un enseignement qui n'est ni fait pour les élèves intelligents. Ni fait pour les élèves en difficulté. Un enseignement sans imagination (on peut être dédié à ce qu'on fait mais être d'un ennui terrifiant). C'est un enseignement pour ceux qui rentrent parfaitement dans le moule.
McKinsey vient de rendre public un rapport sur l'éducation. Son objectif : comprendre ce qui fait que des élèves ont de meilleurs résultats que d'autres. Pour cela, ils ont fait le tour du monde de l'enseignement. La réponse est simple. Est-ce le nombre d'élèves par classe ? Non. Est-ce les moyens financiers ? Non. Est-ce le salaire des profs ? Non. Ce sont les profs. Les meilleurs élèves sont ceux qui ont les meilleurs profs.
Il est aussi intéressant d'avoir en tête
deux études qui en disent long et que j'ai découvertes sur
cancres.com. Un excellent site, au passage, que tous parents devraient visiter.
La première, connue sous le nom de "Pygmalion", est celle menée par Rosenthal, un psychologue américain.
"En début d’année scolaire, il renseignait les professeurs sur les résultats qu’avaient obtenus les élèves à des tests d’intelligence ; mais ces résultats étaient tout à fait fantaisistes : les scores avaient été choisis au hasard. Or en fin d’année, les enfants qui à leur insu avaient été notés comme étant doués avaient progressé, et à l’inverse ceux dont on avait dit qu’ils avaient un faible Q.I. avaient eu une année très moyenne, voire avaient régressé," raconte l'auteur du site cancres.com.
Et d'ajouter que cette expérience a été renouvellée sous une autre forme, avec les mêmes résultats :
"Il ne s’agissait plus de donner aux enseignants de faux Q.I. mais de faux bulletins scolaires. Là encore, on a démontré que ce que pense le professeur de ses élèves influence son comportement à leur égard et se répercute sur leurs performances." Affligeant. Non ?
Posez-vous la question suivante : que voulez-vous que mon enfant soit ? Faites la liste de vos réponses. Et regardez en quoi l'école enseigne les éléments nécessaire à vos objectifs. Nous avons fait l'exercice à l'occasion d'un séminaire avec un éditeur pour enfant. Nous étions effondrés.
Prenons l'enseignement des langues. Une catastrophe dans bien des pays. Quand je vois le peu de temps passer à écouter des films dans la langue, à jouer dans la langue, à parler dans la langue. Et les heures à lire des textes de poétes ou d'écrivains du XVIIIe siècle dans un langage que PERSONNE ne parle plus, les bras m'en tombent. Ce n'est pourtant pas les supports pédagogiques qui manquent pour apprendre une langue. En particulier l'anglais.
L'école, comme les médias, a besoin d'être réformée de A à Z. D'apprendre à apprendre avant de faire du bourage de crâne inutile. De souvrir à l'extérieur. D'embrasser les nouvelles technologies, les jeux vidéos et autres supports dont le meilleur peut être tiré pour apprendre. Sortons des livres. Sortons des classes. Sortons des schémas vieux d'un siècle qui ne fonctionnent que pour une minorité. L'enseignement est partout.
Est-ce un hasard si les enfants qui réussissent le mieux à l'école sont des enfants de profs ? C'est pour quand l'école 2.0 ?