Apr 17, 2008

Quel modèle d'affaires pour une presse quotidienne généraliste de qualité et quelle stratégie éditoriale ?

La crise du quotidien français Le Monde, nous invite, encore une fois à nous poser la question du modèle d'affaires d'une certaine presse quotidienne généraliste de qualité et de sa possible stratégie éditoriale.

Je constate plusieurs choses quand je lis et analyse ces journaux :

1- L'augmentation, dans des quantités certes différentes, de l'information dite de "commodité". Cette information, provenant généralement des agences de presse, que l'on retrouve partout et gratuitement.

2- La diminution de l'investigation. Et plus généralement, la baisse, en tout cas selon moi, mais je suis prêt à écouter les avis et les arguments opposés, du contenu "chien de garde" comme le disent les Ricains.

3- Le manque de mise en perspective de l'information.

4- Et un point extrêmement crucial, le peu de contenu de prospective proposé. Faites l'exercice vous-mêmes et amusez-vous à compter combien d'articles vous expliquent le ou les étapes suivantes. Peu. Trop peu. C'est, d'après nous, 70% d'un quotidien qui devrait être consacré à du contenu de prospective.

Le marché est-il capable de soutenir une presse quotidienne généraliste de qualité ? Sinon, qu'elles sont les autres possibilités ?

En France, la réponse à la première question semble être : difficilement.

Côté réduction des coûts, internet semble apporter des solutions : disparition des coûts de distribution et disparition des coûts d'impression. On parle ici de pas loin de 45% des coûts d'un quotidien. Sans parler de l'impacte positif sur l'environnement. Quel chef d'entreprise ne rêve pas d'éliminer tout d'un coup 45% de ses coûts fixes ?

Côté recettes, la réponse est beaucoup moins positive. Les CPM sur le net sont ridiculement bas. Ils ne permettent pas, pour le moment, de faire vivre un support d'information généraliste de qualité avec un modèle d'affaires s'appuyant essentiellement sur le gratuit. Je dis bien pour le moment. Et je dis bien gratuit, car je ne crois personnellement pas au modèle payant pour ce type de médias. Mais, une fois encore, je ne demande qu'à me tromper.

Sinon, quoi d'autre ?

Le papier partiellement ou totalement gratuit ? C'est une piste que certains commencent à explorer. En particulier, en Grande-Bretagne. Leur circulation payante est en baisse mais les recettes publicitaires sont en hausse, faisant mieux que de combler les pertes venant des ventes.

Sur le modèle de la BBC, une entreprise d'information -- diffusant sur plusieurs plateformes -- entièrement financée par le contribuable. Et dont, on garantirait législativement l'indépendance éditoriale. Les Britanniques le font. Le résultat est de qualité. Pourquoi pas nous.

Ou encore, la création de fondations sur le modèle de "non-profits organizations" aux États-Unis et avec les avantages fiscaux, pour les entreprises et les particuliers, liés à ce modèle. Le modèle n'est d'ailleurs pas tout à fait nouveau. Il ne fonctionnera pas si les avantages fiscaux ne sont pas au rendez-vous. Il me semble, en tout cas, important pour les pouvoirs publics d'envisager cette piste au plus vite et d'en étudier la faisabilité. Pourquoi ne pas croire à une presse qui serait financée par les dons.

État, donateurs ou secteur privé, rien ne garantit jamais l'indépendance de l'information. Mais à l'heure ou une presse de qualité est dans la tourmente, nous n'avons pas d'autres choix que d'explorer de nouvelles pistes. En voyez-vous d'autres?

Mise à jour : Petite précision par rapport au post de Vincent Truffy, dans Médiapart.
L'information dite de "commodité" n'est pas seulement de l'info des grandes agences de presse. C'est de l'info que l'on trouve un peu partout dans les médias et souvent gratuitement. C'est de l'info sans vraiment de valeur ajoutée ou tellement abondante qu'il est difficile de convaincre le lecteur (même s'il ne peut s'agir que de perception) que l'on puisse apporter quoi que ce soit de supplémentaire. Je pense par exemple au jardinage, cuisine, mode, etc. Pour pousser à l'achat, il faut que le consommateur soit convaincu de la valeur du produit. Ce qu'il trouve ailleurs -- comparaison -- est un des éléments de l'évaluation de cette valeur.