Oct 12, 2007

Se concentrer sur les plus de 50 ans avec le print pour la presse quotidienne locale payante -- 2e partie

Me voilà de retour sur le sol américain, après une dizaine de jours en Europe. L'occasion de me remettre à mon blog et de continuer la conversation sur cette idée -- plutôt mauvaise si j'en crois vos commentaires -- de se concentrer sur les + de 50 ans pour la presse quotidienne locale payante. À mon tour donc de vous répondre.


1- Clarification
Se concentrer sur les + de 50 ans avec le papier, ça ne veut pas dire abandonner les autres. Ca veut dire satisfaire -- d'abord -- son coeur de cible (et ceux à la frange) avant tous les autres. Ca veut dire aussi, essayer d'augmenter sa pénétration sur des lecteurs qui ressemblent à ceux que l'on a déjà, au lieu d'essayer d'aller chercher des lecteurs où la pénétration est beaucoup plus faible. C'est, il me semble, une règle marketing de base. Je me trompe ?
Ca veut aussi dire, mettre en place une stratégie multimédia pour toucher ceux qui aiment moins le papier mais qui ont besoin d'information et de services locaux.
Donc, Kacem, on est loin de la stratégie du tout ou rien. Au contraire. On est juste dans une logique de diversification des canaux de distribution. Et d'une clarification de leur coeur de cible.
Je rappelle deux expériences :
- Celle du Star Tribune (aux US) qui a parié sur la cible jeune avec le papier payant, a réalisé un travail formidable, mais qui connaît une baisse de lectorat de -4,8% quand la moyenne est de -2,1% (détails ici).
- Celle du Lawrence Journal qui s'est tourné vers les plus jeunes sur internet. Alors que le papier stagne avec une diffusion de 20 000 exemplaires, le site du journal a fait 10 millions de pages vues en octobre 2005. Le site sport étant monté jusqu'à 13 millions de pages vues. Rappelons que la population est de 79 000 habitants dont 25 000 étudiants (détails ici). Il y a même un site dédié spécifiquement aux moins de 30 ans, lawrence.com.

2- À propos du renouvellement du lectorat
En effet, Emmanuel, rien ne nous indique que les trentenaires d'aujourd'hui vont lire le papier demain. Comme je l'ai écrit plusieurs fois sur ce blog, et comme l'explique l'étude que nous indique Kacem, plus on vieillit moins on a tendance à lire. Quand on rajoute là-dessus que les trentenaires sont la génération dont certains ont découvert l'ordi à la maison, une majorité travaille sur ordi et a vu l'internet se propager... on se rend compte combien le challenge se complique pour la PQL.
Je ne pense pas que le papier va disparaître du jour au lendemain. Mais je crois que ses jours sont comptés. Je doute que dans vingt ans l'offre d'information locale se fasse de la façon que l'on connaît. Il n'y a qu'à regarder les changements fulgurants de ces dix dernières années pour s'en convaincre.
En revanche, je crois clairement qu'il y aura toujours de solides entreprises médias d'information et services locaux. De mon point de vue, la survie des groupes de presse locaux passe -- entre autre -- par une stratégie multiplateforme et des accords entre marques. Le problème c'est que dans les faits, les investissements sur le numérique ne sont pas, en général, à la hauteur de l'enjeux. Loin de là. Et sans investissements pas de solutions.

3- L'offre pub
Il me semble qu'une majorité d'annonceurs aiment les CSP+. La bonne nouvelle c'est que les + de 45 ans représentent une bonne part de ce gâteau.
En France, par exemple, selon les chiffres de l'Insee, les Français avec le niveau de vie le plus élevé sont les 55 à 64 ans. Viennent ensuite les 45 à 54 ans. Pour les revenus moyens par ménage, se sont les 45 à 54 ans qui sont en tête devant les 55 à 64 ans (chiffres ici).
Clarifier la cible d'un support m'a toujours semblé être un avantage auprès des annonceurs, pas un inconvénient. D'autant plus si l'entreprise propose d'autres supports pour toucher d'autres cibles. Rappelons que l'annonceur cherche à vendre. Pas à faire le beau.

4- Reconquérir les habitudes de lecture
Pourquoi reconquérir au lieu de s'adapter ? Nos sociétés évoluent. On peut résister au changement ou on peut analyser le changement pour adapter nos entreprises. L'industrie de la musique est un bon exemple. Les majors, engagées dans une résistance aux changements, sont entrain d'exploser en vol. Les ventes baissent. Les artistes commencent à partir en solo comme par exemple Radiohead.

5- Image et stratégie éditoriale
Comme le dit très justement Christophe, les + de 50 ans n'aiment pas forcément qu'on leur rappelle leur âge. Mais, une fois encore, satisfaire cette cible ne veut pas dire faire un journal de "vieux". Il s'agit de se concentrer sur des besoins, des centres d'intérêt, des mode de vie liés à l'âge mais aussi au pouvoir d'achat, à la situation familiale, etc.
Définir les besoins spécifiques de chaque audience que l'on cherche à toucher, c'est réaliser la deuxième étape d'une stratégie éditoriale. La première étant de définir les audiences en question. Je ferais prochainement un poste pour parler de méthode pour revoir sa stratégie éditoriale.

6- Proximité
Il est clair que, comme le dit "anonymous", mais aussi Christophe, la PQL doit se concentrer sur l'info locale mais aussi les services locaux. C'est sa richesse et sa force. Mais une fois que l'on a dit ça, on ne peut pas éviter la question de la cible.
Info locale et proximité ne veulent pas dire la même chose pour tout le monde. Si l'espace géographique est un élément de proximité, il n'est pas le seul. Les centres d'intérêts varient selon les âges, le niveau culturel, le niveau de revenus, etc. Il y a des sujets transversaux certes. Mais ils ne suffisent pas.
Tout l'enjeu est là. Peut-on avoir un journal local qui satisfait, par exemple, les actifs urbains, célibataires, ayant un diplôme supérieur, de 25-35 ans ; et en même temps, les ménagères de plus de 50 ans vivant en couple, avec deux enfants adultes, dans une zone non urbaine ? Quelle industrie, ayant du succès, s'adressent à ces deux cibles avec le même produit ?

7- Et les 18-40 ans
L'idée n'est pas de les laisser tomber. L'idée est de s'adapter à leurs besoins et de s'adresser à eux sur le support qu'ils privilègient. Au passage, ils ne représentent pas un groupe homogène. Pourquoi vouloir encore essayer de leur vendre de l'info sur vinyl quand ils ont clairement choisi le numérique ?

8- En résumé
Être tout pour tout le monde est une illusion qui va de paire avec celle qui consisterait à croire que l'on peut changer les habitudes qui se mettent en place chez les consommateurs. Au lieu de résister, la PQL doit s'adapter et revoir son business model. Elle a besoin de se demander maintenant à quoi elle ressemblera dans dix ans, histoire d'investir au bon endroit.

À vous lire.

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