Dec 20, 2005

Faut-il fusionner les rédactions du papier et du web ?

On parle aujourd'hui beaucoup de la fusion des rédactions du papier avec celle du web. Le New York Times et USA Today aux États-Unis ont choisi cette route, comme Libération en France. D'autres, Le Monde, par exemple, et le Washington Post, préfèrent garder deux équipes distinctes.

La question de la fusion, ou pas, a refait surface suite à la petite guerre que se sont menées la rédaction en ligne du Washington Post et sa rédaction papier, par l'intermédiaire de leur "médiateur" avec les lecteurs Deborah Howell. Dans un billet (enregistrement nécessaire -- gratuit), du 11 décembre dernier et intitulé Les deux Washington Post, elle révèle que l'équipe du journal n'apprécie guère le blog de Dan Froomkin, appelé : White House Briefing. Pourquoi ? Parce qu'elle le trouve : "highly opinionated and liberal."

Elle pense également que le nom de son billet prête à confusion, laissant croire que Froomkin est un reporter officiel du WP à la Maison Blanche -- ce qu'il n'est pas. Pour, selon eux, supprimer la confusion, le rédacteur en chef du WP et l'équipe souhaitaient que le nom de ce billet soit changé. Le rédac chef du site, Jim Bradi, a dit non (pour en savoir plus ici en anglais).

Pour Jay Rosen, professeur de journalisme à New York University, c'est l'occasion de démontrer le bien fondé de la séparation des rédactions. Selon lui, si l'équipe n'avait fait qu'une, le nom du billet aurait été changé (lire en anglais les détails de son argumentation ici). Expliquant, qu'au fond, la réaction du boss du web, c'était dire NON "to political pressure from the Republicans".

Il voit, en fait, la séparation des rédactions comme une séparation des pouvoirs : "The separation of powers allows Graham’s company to develop a pluralism in its own pressthink and political sense-making."

Entre les lignes, il défend aussi ce modèle parce qu'il ne souhaite pas que les journalistes du print prennent le contrôle du web. Pensant, sans doute, que la rédaction du web sera plus novatrice que celle du papier. Qu'en dites-vous d'ailleurs ?

De notre côté, comme le consultant Jeff Jarvis dans un post (en anglais) du 17 décembre, nous pensons qu'il est préférable de fusionner les deux rédactions. D'après Jarvis, nous n'avons pas le choix : "I have argued that newspapers have a choice: Either totally upend newsroom culture and get people to face the strategic imperative of gathering and sharing news in new ways across all platforms … or move most of the staff to online — where the audience is now and revenue growth, if not equivalent revenue, will be — and leave the dinosaurs behind."

Une fusion qui a un sens économique d'abord. Une fusion aussi qui a un sens stratégique. Une fusion enfin qui va offrir de nouveaux challenges, de nouvelles possibilités et ouvrir de nouveaux horizons aux meilleurs journalistes.

Mais dans cette fusion des efforts, il faudra bien faire attention que les esprits conservateurs ne viennent pas étouffer les esprits novateurs qui veulent expérimenter sur le net.

Qu'en dites-vous ?

2 comments:

  1. Anonymous9:49 AM

    Vu les effectifs des rédactions web des quotidiens US je comprends que la question soit cruciale. Vu de France la question de la fusion des rédactions qui bizarrement retient l'attention de beaucoup de commentateurs n'a pas le même poids.
    Les effectifs ne sont pas les mêmes, quand le web n'est pas tout simplement une plateforme de republication, et les statuts des salariés non plus ce qui complique l'affaire ...

    Je crains que la fusion ne soit surtout une affaire de pouvoir et de politique interne si j'en juge les échos en provenance de nos camarades US. Sur le fond l'enjeu n'est pas dans la fusion mais dans la capacité de tout membre de la rédaction de s'approprier les nouveaux supports et de remettre en cause sa façon de travailler.

    De ce point de vue on ne peut écarter la nécessité de disposer d'un savoir faire d'une équipe dédiée assurant l'animation du site et sa gestion au quotidien (je distingue cet aspect de celui de la production du contenu). Au fond la question de la fusion se résume à une seule chose: cette équipe doit-elle dépendre de la rédaction en chef de l'édition papier.

    Il ne faut pas sous estimer la nécessité d'une coordination éditoriale, un média c'est aussi une "voice", une signature qui naît d'une certaine cohérence éditoriale. On l'oublie peut être un peu vite, à trop vouloir s'extasier devant l'aspect communautaire du web.

    Maitriser la cohérence éditoriale d'un site web ouvert à ses lecteurs sera une tâche tellement complexe que le problème sera à mon avis vite inversé: le papier sera un produit dérivé du web et c'est l'édition papier qui nécessitera une coordination éditoriale pour rester en phase avec son lectorat.

    La fusion restera un faux problème ce dont il est question c'est un changement du centre de grativé, du papier vers les supports numériques.

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  2. Emmanuel, vous avez raison, l'enjeu est avant tout "dans la capacité des membres de la rédaction de s'approprier les nouveaux supports et de remettre en cause ça façon de travailler."
    D'accord — mille fois – aussi avec vous quand vous insistez sur le besoin d'une coordination éditoriale.
    Et, je vous suis encore quand vous dites que le papier risque d'être très vite un supplément du web.
    Ceci dit, je crois que l'idée d'avoir une seule rédaction se défend. En revanche, le rédac chef doit être capable de diriger autant un site qu'un canard papier. Double compétence ? Je dirais non. Juste la compétence de base que devrait avoir tout rédac chef aujourd'hui pour être qualifié à ce poste.

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