Oct 13, 2006

Presse écrite : préparer la transition avant qu'il ne soit trop tard

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Pour le professeur Robert G. Picard, sans doute l'un des plus grands spécialistes de l'économie des médias dans le monde et directeur du Media Management and Transformation Centre en Suède (Jönköping International Business School), la question du déclin de la presse papier ne se pose pas. Ce qui se pose, c'est la question du timing.

Le graphique ci-dessus -- qu'il a créé -- explique sa vision des choses et essaye de démontrer la nécessité pour les éditeurs d'investir dans les nouveaux médias au plus vite.

1- Un support papier dont le lent déclin ne s'arrêtera pas
1a- Les revenus de la presse papier sont en baisse. La tendance n'est pas nouvelle. Elle est entrain d'accélérer en même temps que les nouvelles technologies sont adoptées par les consommateurs. Une adoption progressive, pas soudaine.

1b- Baisse des ventes = baisse du nombre de journaux imprimés et diffusés = baisse des coûts du support papier.

1c- Mais, une partie des coûts du support papier est incompressible et graduellement à la hausse. La tendance à la baisse ne s'arrêtant pas, les coûts dépasseront les recettes à un moment X.

2- La convergence ne fonctionnerait qu'à court ou moyen terme
2a- Économies d'échelles et stratégie multiplateforme pour le contenu (convergence) permettent dans un premier temps de mieux résister à la baisse des revenus du papier.

2b- Mais la baisse des revenus et les coûts de la production du papier plombent le coût des opérations combinées. Arrive, là aussi, le moment où le print n'est plus rentable. Les quotidiens nationaux et les gros régionaux seraient plus rapidement exposés que les petits régionaux et les départementaux, selon les recherches de Picard.

3- Il faut démarrer tôt l'investissement dans les nouveaux médias
3a- C'est la barre verte qui nous intéresse le plus. Elle indique que plus une organisation démarre tôt dans l'expérimentation de nouveaux produits et de nouveaux services, plus vite elle a de chance de voir les premiers revenus pour ces nouveaux médias.

3b- Parce que le marché télé est physiquement limité, malgré le câble, et parce que la baisse de la diffusion de la presse écrite, la publicité va migrer de plus en plus vite sur les nouveaux supports. Les chiffres en attestent. Les dépenses de publicité augmentent. La TV conserve ses parts de marché, celles de la presse écrite et de la radio diminuent. Où va la pub ? Sur les nouveaux médias.

Mais Robert Picard est clair. Il est important de ne pas "tuer" le journal papier trop tôt. Il est là. Bien là. Et, il est pour le moment le générateur des plus gros revenus. Il va résister encore un certain temps. Un temps qui va varier selon les titres et les situations géographiques. Il est donc très important de concentrer des forces pour ralentir au maximum son déclin .

Mais ralentir le déclin n'est pas une stratégie viable à moyen terme. Pas plus que la réduction des coûts et la convergence de opérations pour diffuser le contenu sur plusieurs supports. "The current strategies of publishing companies to gain economies of scale and scope, to move into cross-platform content provision, and to maximize return across a portfolio of content products will be effective only for the short-and mid-term", affirme-t-il.

Les éditeurs doivent donc investir au plus vite sur les nouveaux médias. Expérimenter, essayer. À fin de mettre au point les nouveaux produits et services qui vont attirer la publicité, en croissance constante sur ces médias. Et pour Picard, le temps est compté car il arrive un moment où il est trop tard. Il suffit de déplacer le départ de la courbe verte dans le temps sur le graphique pour s'en rendre compte.

Il est clair qu'à vouloir attendre la recette miracle ou l'investissement parfait, beaucoup d'éditeurs se rapprochent du point de non retour. Libé en est, mille fois hélas, un exemple concret.

C'est au fond la grande leçon de l'achat de YouTube par Google. Comme le soulignent plusieurs observateurs (lire post de Benoît Raphaël ici), Google n'a pas racheté le New York Times. Il n'a pas racheté un business model qui fonctionne encore pour le moment. Il a payé le prix fort une entreprise qui ne gagne pas un centime mais dont l'audience est énorme, sur un secteur en explosion -- la video -- et dont le contenu n'est pas cher à produire. Google a choisi d'expérimenter… et c'est là sa force.

5 comments:

  1. Jeff,
    A propos de l'exemple concret de Libé, ce matin lundi 16 octobre les salariés doivent être abattus : le plan social que l'actionnaire repreneur prpose prévoit le licenciement de 100 personnes sur 280 salariés...
    JP

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  2. Anonymous1:28 PM

    Brillante démonstration!

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  3. Anonymous1:17 PM

    Et si demain, les nouvelles technologies (VOD, e-journaux, web 2.0, Podcast ...) qui permettent au consommateur de créer son propre contenu étaient de formidables outils de zapping publicitaire? Où serait alors le modèle économique?

    Olivier Hellard

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  4. @ Olivier

    Ils le seront et le sont déjà, pour certain comme Tivo aux US. Je pense qu'on prend peu de risque d'imaginer que nous allons avoir des produits où le consommateur aura le choix entre gratuit avec bcq de pub et payant sans pub ou avec un minimum de pub.

    Mais la pub, le consommateur en a besoin. C'est une forme d'information. C'est pratique quand il s'agit d'un sujet qui nous intéresse, c'est ennuyeux quand on se moque du produit/service présenté. Comme tout contenu, la pub a aussi besoin de toucher la bonne cible.

    Qui plus est, la pub n'est pas le seul business modèle sur le net. Loin de là.

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  5. The current strategies of publishing companies to gain economies of scale and scope, to move into cross-platform content provision, and to maximize return across a portfolio of content products will be effective only

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