Jun 12, 2005

Les quotidiens et les hebdos régionaux/locaux français victimes du syndrome Kodak?

Qu'est-ce que j'appelle le "syndrome Kodak"? Malgrès ses 100 ans de domination du marché de la photo, ses centaines de cadres fort bien payés et ses millions de dollars de profits, Kodak n'a pas su? vu? voulu croire? à la fin du film photo traditionnel. Résultat 142 millions de dollars de déficit au premier trismestre 2003, plus 11 000 employés licenciés la même année (15 000 de plus sont annoncés en 2007) et, cerise sur le gateau, Kodak vient d'être "viré" du Dow.

Pendant ce temps là, HP, Epson, Canon et les autres se sont occupés de prendre les parts de marché. Un grand nombre d'entre eux n'avait jamais été dans le business de la photo.

Pourquoi Kodak n'a pas bougé avant? Trois raisons d'après les experts: peur de se cannibaliser, peur de remettre en cause leur "business model" et sous estimation de la vitesse à laquelle le digital allait s'étendre chez les consommateurs.

Est-ce que ça vous rappelle quelque chose? La presse quotidienne et hebdomadaire locale écrite française (pour ne citer qu'elle) n'est-elle pas, dans son ensemble, en train de reproduire le même schéma ?

Je viens de passer plusieurs heures à naviguer sur internet à la recherche des sites de la presse régionale/départementale/locale française. Il y avait longtemps que je n'avais pas fait cet exercice. Les bras m'en sont tombés. Certains journaux n'ont même pas de site internet. Et, je ne vous parle pas seulement du petit hebdo du coin. Non ! Même des gros quotidiens. Corrigez moi si je me trompe. Jetez un œil, par exemple, sur le site du Syndicat de la presse quotidienne régionale. Sans parler de ceux qui font dans le service minimum.

Ne pas se battre pour être présent sur le net aujourd'hui, c'est tout simplement signer son arrêt de mort. La question est juste de savoir: quand ?

Il n'y aura pas de retour en arrière. Les générations qui seront (qui sont déjà) habituées à aller chercher leurs infos sur Yahoo! MSN, Google… ne se jetteront pas soudainement sur le quotidien du coin. A moins que…

Car la bonne nouvelle, c'est que la presse locale a un rôle à jouer sur internet tant pour satisfaire les besoins en information locale que les besoins de ses annonceurs. La locale, c'est sa grande force. La demande est là. Pas de doute, le public veut des news (même si rien ne prouve qu'il veut payer pour). Il suffit pour ça de regarder les chiffres des connections à des sites offrant de l'actu (Yahoo News 12,7 millions de visiteurs uniques par semaine), l'augmentation des investissements publicitaires sur le net et la rapidité à laquelle l'internet à haut débit s'installe dans les foyers français. Mais, il est plus que grand temps d'agir. Il est plus que grand temps d'expérimenter.

Rapides propositions:
1- Economiser 10% du budget de fonctionnement de la rédaction chaque année pour investir ces 10% dans la recherche et le développement de projets internets et de projets multimédias (podcast, téléphone cellulaire…).
2- Offrir une adresse internet gratuite, avec de l'espace disque, aux déjà lecteurs et aux lecteurs potentiels (en particulier les jeunes). Pas de raison de laisser ce territoire à Yahoo, La Poste, Noos et je ne sais qui encore. Au passage, les journaux devraient donner une adresse email publique à tous leurs journalistes. La Dépêche du Midi, la Charente Libre, Sud-Ouest, par exemple, le font déjà en partie.

Certes, personne n'a la recette absolue pour la presse locale en ligne. Certes, il y a des risques (ils sont calculables). Mais le plus grand risque n'est-il pas d'attendre ? Demandez aux patrons de Kodak! Rappelons-le, le lectorat des quotidiens français a reculé de 1,81% en 2004, soit - 5,81% en cinq ans (source: WAN).

Il sera trop tard pour se réveiller le jour où Google (déjà la plus grande entreprise media au monde en termes de capitalisation boursière) et Yahoo! proposeront la meilleure information locale parce qu'ils auront tissé une toile gigantesque faite de journalistes professionnels et de journalistes citoyens. Comme l'imagine en partie le documentaire/fiction Epic.

Ce jour là, il sera peut être aussi trop tard pour se battre pour la publicité en ligne car les annonceurs locaux auront eux aussi choisi de se passer des journaux. Ils le font d'ailleurs de plus en plus dans certains domaines. Sans parler des petites annonces qui sont en train de devenir gratuites comme sur le site www.craigslist.org (déjà installé en France).

Rappelons qu'en cinq ans, les recettes publicitaires des quotidiens français ont reculé de 23%, d'après le dernier rapport de la World Association of Newspapers (WAN). Soit l'une des plus grosses baisses dans le monde. N'oublions pas, non plus, que la part du marché publicitaire que détenaient les journaux dans le monde est tombée de 30,1% en 2004, après avoir reculée de 30,5% en 2003, toujours selon le même rapport.

Je dramatise ? J'exagère ? Vous avez déjà entendu la même musique il y a 8/10 ans avec la poussée du net ou, avant, avec l'arrivée de la télé. En tout cas, parlons-en. Non?

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