Nov 25, 2005

Les rédactions doivent s'ouvrir à leurs lecteurs

"Le journalisme forteresse a échoué," écrit Steven A. Smith, rédacteur en chef du journal américain Spokesman-Review, sur le blog de Jay Rosen. J'ai, pour ma part, toujours été convaincu qu'il fallait ouvrir les rédactions aux lecteurs.

Il y a dix ans déjà, nous avons, avec François Dufour, rédacteur en chef du quotidien français pour enfants, Mon Quotidien, eu l'idée de faire venir -- tous les jours -- des enfants aux conférences de rédaction. Rien de tel que la réalité du lecteur.

Il m'aura fallu dix ans pour convaincre un autre journal de le faire. C'est un quotidien régional polonais, NTO, dont nous venons de refaire la formule (voir ce post et celui-là). Nous avons appelé cette initiative : le rédac chef du jour. Le lecteur assiste à la conférence de rédaction du soir. Donne son avis sur les sujets choisis, sur ceux qui sont montés à la Une et sur la qualité général du journal. Mais, aussi, il propose des sujets à couvrir. La rédaction trouve sans intérêt cette initiative. Évidemment, ai-je envie de dire. À quoi bon écouter le lecteur. De son côté, il aime beaucoup l'initiative et s'étonne de tant d'ouverture.

L'idée n'est apparemment pas nouvelle. Steven A. Smith la pratique depuis plusieurs années. "Raising the window, fessing up, speaking directly to readers with a genuine openness actually enhances credibility. We’re learning that lesson in Spokane where we’re three years into our transparent newsroom initiative", affirme-t-il.

Pour lui, comme pour nous, les lecteurs réclament une interaction avec le journal. Et si le journal ne le fait pas, d'autres le feront. Le journal n'en sortira pas gagnant. "They (les lecteurs) are going to insist on an interactive, two-way flow of information, ideas and opinion— whether we like it or not. And if we don’t develop the user-as-producer model ourselves, others will do it for us or to us", écrit-il.

Il croit même que cette interaction permet de créer des journaux de meilleur qualité : "Citizen participation in journalism may create a product that is more relevant, compelling, authentic and valuable than the journalism we did behind the fortress. The transparent newsroom isn’t really about “watching the sausage being made.” It lets the users of the newspaper get their hands dirty alongside the journalists."

Et de déplorer le mépris qu'ont certains journalistes pour les lecteurs : "In fortress newsroom, readers are something of a necessary inconvenience. We need their business, but not their ideas. In fortress newsroom, objectivity means independence defined by separation from… Journalists report on their communities but by newsroom law cannot be part of their communities. And listening to readers, trying to understand their interests and motivations, is the business of ad reps and circulation managers."

Comme lui, nous pensons que la transparence n'est pas compliquée… et qu'elle ne menace en rien la "souveraineté" de la rédaction dans ses choix éditoriaux. Qu'en dites-vous ? Gadget ou initiative intéressante ?

(lire l'article complet de Steve ici, en anglais)

> Tags : media, quotidiens, newspapers

1 comment:

  1. Anonymous3:57 AM

    La bonne nouvelle, c'est que mettre les rédactions à l'écoute de leurs lecteurs est de plus en plus facile. Le journalisme sur Internet comprend, par nature, cette fonction de dialogue.

    Ce qui est étonnant, c'est que les rédactions l'utilisent si peu, que les auteurs signent rarement avec leur adresse mail, ne sollicitent pas de feedback sur leur production, n'encouragent pas le débat. Récemment une lectrice du Monde.fr me disait avoir fait un mail à la rédaction pour corriger une erreur dans un papier. Résultat: le même qu'une bouteille à la mer... Ce n'est qu'un exemple.

    La dé-forteressisation des rédactions commence avant même ce dialogue direct avec les lecteurs, souvent perçu comme dangereux par les journalistes. L'ouverture des rédactions, c'est d'abord mettre les journalistes à l'écoute de la société, de l'audience qu'ils servent et non pas à l'écoute de ceux qui parlent fort, ni à l'écoute des autres journalistes.

    C'est dans cette écoute qu'il y a de la valeur pour les journalistes, car l'écoute indique quelle est la curiosité de l'audience, ce qu'elle a besoin de savoir, besoin de comprendre.

    La techno interactive peut et doit servir à rendre cette écoute systématique, précise, qui se situera en amont du travail "classique" de recherche et de mise en forme des informations.

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